Les damnés de la France

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Les damnés de la France

Messagepar biko » Dim Fév 10, 2008 2:29 pm

La Camerounaise Léonora Miano publie son troisième roman, Tels des astres éteints. Sans tabou, elle évoque avec audace le racisme de la société française.


« Ici où je me trouve le mot a des équivalents inattendus. Par exemple, couleur se dit aussi origine. En voyant la couleur, on questionne l’origine. En silence, cependant. La République réprouve certains débats. Elle a déjà tranché ». Ainsi parle, d’entrée de jeu, le narrateur du dernier roman de Léonora Miano, Tels des astres éteints. Cette couleur, la plus discriminée de l’Histoire, c’est le noir.
Quand elle apparaît sur la scène littéraire en 2005, l’écrivaine camerounaise surprend - et en choque plus d’un - par l’audace de ses thèmes et la liberté de sa parole. Elle ne s’en est jamais cachée : elle veut « restituer sa composante noire au genre humain ». Dans ce nouveau livre, elle montre comment, du fait de leur couleur, les Noirs sont traités actuellement en France. Dans Cahier d’un retour au pays natal, le poète martiniquais Aimé Césaire écrivait déjà au XXe siècle, avec une ironie cinglante, que les siens, c’est-à-dire les Noirs, n’avaient rien inventé, ni la poudre ni la boussole mais que, sans eux, le monde ne serait pas le monde. Avec Miano, nous replongeons au cœur de ce que l’on appelle le nationalisme noir, et dont les inspirateurs sont notamment l’Américain W.E.B. Du Bois ou le Jamaïquain Marcus Garvey.
Choisir de rouvrir le débat sur le regard que l’autre porte sur les Noirs, alors que l’on parle de « diversité », de « minorités visibles », de « guerre des mémoires », d’« intégration », c’est, de la part de Miano, une façon de revenir sur la problématique de la place des minorités dans une société où la couleur de la peau pousse à la suspicion, à la peur, à l’exclusion. D’autant que d’aucuns continuent à douter, en plein XXIe siècle, de l’entrée de l’Africain - et de toute sa descendance éparpillée à travers le monde - dans l’Histoire, voire de son humanité. Mais « qu’est-ce qu’être humain ? » s’interroge le narrateur. Réponse : « c’est d’abord être noir. Ce n’est pas une question de mélanine. L’obscur est dans le cœur. La lumière, seule l’intelligence la touche. L’ombre est un bas instinct, la lumière une vue élevée. L’ombre a le poids des décombres. La lumière est aussi légère que la poussière d’inaccessibles étoiles ».

Souffrances indicibles
Trois personnages donnent le tempo de ce roman. Trois parcours, trois destins, parmi d’autres, qui se croisent, convergent, s’excluent, s’affrontent même s’ils se comprennent. Point commun, la couleur de l’épiderme. Et aussi le fait d’avoir quitté leur terre natale pour errer sur les boulevards froids de Paris. Au-delà de ces traits particuliers, chacun porte son histoire, l’esprit chargé de souffrances indicibles. Il y a Amok, la trentaine, né d’une famille aisée apparemment camerounaise, qui se retrouve en France pour des études universitaires grâce à une bourse octroyée par le gouvernement. Une fois celles-ci terminées, il décide de ne pas retourner en Afrique. Non pas parce qu’il vit mieux que lorsqu’il se trouvait dans son pays, mais tout simplement parce que sa mémoire est blessée. Il n’arrive pas à oublier ces scènes qui ont marqué son enfance : son père a toujours battu et humilié sa mère. Ensuite, il reproche à son grand-père d’avoir collaboré avec le pouvoir colonial. Pas fier de cette ascendance, il va jusqu’à refuser de se reproduire pour ne pas avoir à la perpétuer. D’où sa rupture avec l’Afrique. La cause noire ? Il n’y croit pas.
Deuxième personnage : Shrapnel. Lui aussi vient d’Afrique. Ancien condisciple d’Amok, il est issu d’un milieu modeste. Sa souffrance a commencé le jour où le gouvernement de son pays a cédé le village de ses ancêtres à des exploitants forestiers, qui, dans leur recherche du profit à tout prix, ont abattu l’arbre tutélaire de sa tribu, comme l’avait prédit sa grand-mère. Le voilà à la ville, sans racines, sans repères. Il se retrouve en France et y entreprend des études. Pour vivre, il doit occuper deux emplois, évidemment au bas de l’échelle, mais qui lui laissent le temps d’aller assister à toutes les rencontres où il est question de la rédemption du « monde noir ». Engagé, il croit que les Noirs de la diaspora peuvent, en se servant de l’Europe comme tremplin, inverser l’ordre des choses. Les plus radicaux parmi les membres de sa communauté lui reprochent une chose : son penchant pour la femme blanche, eux qui n’ont jamais vu un Européen appartenant à l’élite au bras d’une négresse.
La troisième figure importante du roman s’appelle Amandla. Elle vient de Guyane, entité faisant partie de ce que l’on appelle « départements et territoires français d’outre-mer », un bout de terre quasiment inconnu de la majorité de ses compatriotes. Son malheur a commencé le jour de sa naissance d’un père quarteron et d’une mère noire comme du charbon. Fatalement, elle a un teint clair. En outre-mer, ce qui est clair est beau et ce qui est noir méprisable, au nom d’un préjugé de couleur hérité de l’époque de l’esclavage et de la colonisation. La mère en souffre au point de se débarrasser de tous les oripeaux caractéristiques de l’aliénation de sa société pour aller à la quête de son histoire et de ses racines africaines. Elle se donne même un nom africain. Sa fille s’inspire de cet exemple, adhère au rastafarisme et gagne la métropole avec un rêve : s’installer en Afrique. C’est dans cette perspective que son chemin croise celui d’Amok, qui devient son amant, et de Shrapnel.

Singer l’occident
Tout le long du roman, Léonora Miano, avec une passion à fleur de peau, une volonté de rendre justice aux damnés de la terre, pour parler comme Frantz Fanon, et des accents d’une sincérité touchante, nous entraîne au cœur du problème noir. Ses personnages sont meurtris par le mépris contenu dans le regard de ceux qui, hier, après avoir pratiqué l’esclavage et la colonisation, croient détenir toujours la vérité sur la condition humaine. Dans cet univers où se rassemblent toutes les négritudes, elle fait revivre les débats et les espoirs suscités par les idées d’un Cheikh Anta Diop, d’un Marcus Garvey, ou d’un Kwame Nkrumah… Elle démontre que les Noirs ne sont pas une masse anonyme mais un ensemble d’individus, à l’instar de tous les autres humains. Comme partout, certains prônent la révolution sans en avoir les moyens ou pérorent à profusion sur un passé glorieux sans montrer comment bâtir demain. D’autres baissent les bras, convaincus qu’ils sont maudits. Mais il y a aussi ceux qui se battent pour conjurer ce prétendu mauvais sort, pour construire et inverser le cours des choses.
Ainsi qu’elle l’a fait dans ses deux premiers livres, L’Intérieur de la nuit et Contours du jour qui vient, la romancière camerounaise donne un coup de pied aux siens en dénonçant leurs contradictions. Ils se plaignent de la domination de l’Occident sans cesser pour autant de le singer dans presque tous les domaines, comme s’ils avaient honte d’être eux-mêmes. Se vantent de parler les langues étrangères sans maîtriser celles de leurs pays. Dévorent avec un appétit insatiable toute la culture véhiculée à travers les chaînes de télévision par satellite au mépris de la leur. Les femmes - mais des hommes aussi - se blanchissent la peau pour « embellir ». Les cheveux crépus, qui n’ont plus droit de cité, ont été remplacés par des postiches et des mèches de couleur blonde, rousse… Selon le narrateur, cette autoaliénation a conduit les Africains à la détestation de soi. Ils ne se sentent vivre qu’avec le consentement des autres. Et deviennent ainsi les complices de leur dévalorisation et des maux qu’ils dénoncent. Comment mettre fin au racisme et accepter que tous les hommes se valent ? Comment provoquer le réveil de ceux qui se plaignent tout en n’inventant pas leurs propres modèles ? Telles sont les questions que soulève Léonora Miano avec toute l’impertinence qui la caractérise.
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Messagepar hadamarémé » Dim Fév 10, 2008 4:14 pm

Salam
Le dernier paragraphe englobe question et réponse sur la façon que l'homme noir est en train de voir quel est le sort qui lui est réservé dans un monde de combativité et de créativité. N'est-il pas encore temps de croire en nous-mêmes où à l'autre :?:
Je trouve le romain intéréssant et nous invite à une prise de conscience et de croire en nous mêmes, d'aller sur le fond des choses, que l'autre arrête arrête de penser pour nous. Un grand hommage à l'illustre PENSEUR, SAVANT et PANAFRICANITE Cheikh Anta Diop (paix à son âme).
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Re: Les damnés de la France

Messagepar Modou Mbacke » Dim Fév 10, 2008 4:53 pm

biko a écrit:La Camerounaise Léonora Miano publie son troisième roman, Tels des astres éteints. Sans tabou, elle évoque avec audace le racisme de la société française.


.

merci brother. je vé voir si je peux l'acheté en ligne.

les africains doiven prendre exemple sur les chinois. Rester eux mêmes, s'ouvrir aux autres en prenant tout ce qui est bien des autres.
il y a pire aveugle que celui ki veut pas voir ses défauts. dans 200 ans on restera encore là à poser ces question si on n change pas le cap.
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Messagepar doudou » Dim Fév 10, 2008 8:48 pm

Excellent si ça se trouve. Incha Allah demain je vais essayer de m'en procurer. Quelq'un l'a dit. Le diagnostique a été effectué depuis belle lurette par quelques premiers visionnaires. Il faut que les africains se mettent au travail. C'est ça le véritable problème: les élites africaines. Elles sont responsables de tout le désastre qui s'étale sous nos yeux. Le continent est complètement pillé par les élites et leurs complices occidentaux comme Bolloré, Elf, etc.

Un peuple aura du mal a ressentir une quelconque fierté si son pays n'est que guerre, famine, fuite des cerveaux et émigration désastreuse et mortelle. Comment les enfants de nos pays ne singent pas l'occident quand ils constatent qu'ils ne voient rien qui leur donne une quelconque fierté.

Nous pourrons toujours continuer à écrire des livres et établir des diagnostiques à n'en plus finir. Si nous ne prenons pas nous-mêmes nos destins en main, nos petits-enfants seront encore là à établir et re-établir les diagnostiques sur nos maux.
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Soro xooro diηa, Selihe xooro manjare.
Soro xooro diηa, Yeliηe, xooro kardige.
Soro xooro diηa, Tumujo xooro boloone
Baañanke diηa, Taabonke diηa,
Woynanke diηa, Woytanke diηa,
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Messagepar Mariame Cissé » Dim Fév 10, 2008 10:42 pm

moi j'en ai ras le bol de tous les livres pessimistes sur l'afrique. les africains ne parlent que de ce qu'il ne va pas. et on laisse dans la penombre tout ce qui marche. il faut faire les deux. souligner tout ce qui va pas et mettre en lumière ce quoi les africains doivent tirer une fierté
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Messagepar Modou Mbacke » Dim Fév 10, 2008 11:13 pm

Mariame Cissé a écrit:moi j'en ai ras le bol de tous les livres pessimistes sur l'afrique. les africains ne parlent que de ce qu'il ne va pas. et on laisse dans la penombre tout ce qui marche. il faut faire les deux. souligner tout ce qui va pas et mettre en lumière ce quoi les africains doivent tirer une fierté

je comprends ton point de vue :up1:
il y a beaucoup de choses qui marchen aussi.
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Messagepar Dado » Dim Fév 10, 2008 11:33 pm

ce livre a l'air interessant. Guy Tirolien ou Frantz Fanon ont dépeint certains personnages cités plus haut. ce ki est dommage c est que çles blacks change pas.
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Messagepar Modou Mbacke » Lun Fév 11, 2008 1:11 am

Dado a écrit:ce livre a l'air interessant. Guy Tirolien ou Frantz Fanon ont dépeint certains personnages cités plus haut. ce ki est dommage c est que çles blacks change pas.

mais mais mais on n'exonere pas l'occident de tout le mal qu il perpètre en afrique avec la complicité des élites corrompus et traitres africains. c'est pas parce que les traitres sont des africains que je vais pas TAPER sur du toubab. après la grande guerre mondiale est ce que le jugement des traitres collaborateurs a empeché les alliés de s'en prendre à l'allemagne et au japon ?
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Messagepar ibou » Mer Fév 13, 2008 1:11 am

Mariame Cissé a écrit:moi j'en ai ras le bol de tous les livres pessimistes sur l'afrique. les africains ne parlent que de ce qu'il ne va pas. et on laisse dans la penombre tout ce qui marche. il faut faire les deux. souligner tout ce qui va pas et mettre en lumière ce quoi les africains doivent tirer une fierté


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Messagepar Modou Mbacke » Mer Fév 13, 2008 6:47 am

ibou a écrit:
Mariame Cissé a écrit:moi j'en ai ras le bol de tous les livres pessimistes sur l'afrique. les africains ne parlent que de ce qu'il ne va pas. et on laisse dans la penombre tout ce qui marche. il faut faire les deux. souligner tout ce qui va pas et mettre en lumière ce quoi les africains doivent tirer une fierté


200% d'accord avec toi!

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