L’Afrique répond à Sarkozy, contre le discours de Dakar

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L’Afrique répond à Sarkozy, contre le discours de Dakar

Messagepar La Négritude » Sam Fév 23, 2008 12:12 pm

Suite au discours raciste, colonialiste et fasciste de Nicolas Sarkonazy à Dakar, l'année dernière (discours aplaudi et approuvé par sa bamboulate-négresse-de-service Rama Yade), à l'initiative de Makhily GASSAMA (père d'une bonne amie à moi), universitaire et grand homme humble, une armada d'universitaires africains, d'artistes africains,... ont décidé de répondre par un livre au discours raciste, négrophobe et néocolonialiste de Sarkonazy.

Je vous mets ci-contre la présentation du livre et les liens pour se le procurer en ligne. Faites passer le message auprès de votre entourage partout dans les forums de la communauté et même au-delà, afin que le succès en soit garanti ! Il est désormais temps que l'africain écrive sa propre Histoire et se l'approprie.



L’Afrique répond à Sarkozy
Contre le discours de Dakar
Collectif sous la direction de Makhily GASSAMA

Image

Format : 14,5 x 22 cm
480 pages
Prix de vente TTC : 19,8 €
ISBN : 978-2-84876-110-7
Parution le 21 février 2008


Présentation
Le 26 juillet 2007 à Dakar, lors de sa première visite en Afrique subsaharienne, Nicolas Sarkozy a prononcé son discours fondateur de la nouvelle politique africaine de la France. Le ton se voulait amical, un salut fraternel adressé aux jeunes d’Afrique. Mais derrière les paroles lénifiantes sur « l’âme de l’Afrique » ou la « Renaissance africaine » qu’il appelait de ses vœux, le président français a tenu des propos qui ont profondément blessé les Africains. Il y a eu, bien sûr, le désormais légendaire « paysan africain », selon Sarkozy, qui « ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles »… Mais aussi, comme certains l’ont noté, dans le ton parfois conciliant du discours, une manière sournoise de réévaluer l’œuvre de la colonisation : « [Le colonisateur] a pris, mais je veux dire avec'est respect qu’il a aussi donné. Il a construit des ponts, des routes, des hôpitaux, des dispensaires, des écoles. » Aucun signe de repentance qui aurait libéré le dialogue… Par contre le ton, à la fois paternaliste et arrogant, avait surpris et irrité...

Passé ce moment d’exaspération, un groupe d’intellectuels africains ont décidé de donner la réplique en attirant l’attention sur les vrais enjeux, sur les questions essentielles qui interpellent le vieux continent... Quelle est la responsabilité réelle des Africains dans les souffrances intolérables qu’endurent les populations (violences génocidaires, guerres fratricides, dictatures, gaspillage et pillages des ressources, persistance du pacte colonial, etc.) ? Quelle place pour l’Afrique dans la mondialisation ? Comment lutter contre la collusion de l’État français avec'est les dictateurs du continent ? Comment mettre un terme aux affreuses manipulations des Indépendances par la classe politique française? Comment combattre le révisionnisme sournois qui réécrit l’histoire de la Traite négrière et de la colonisation ? Pourquoi des arguments racistes peuvent-ils être développés en terre africaine par le chef d’État d’une puissance moderne, d’un pays colonisateur de surcroît ? Quels effets de tels propos peuvent-ils avoir sur la jeunesse africaine en risquant de l’enfermer dans des clichés éculés ?

Ces vingt penseurs et artistes ont décidé de combattre avec'est vigueur (et rigueur !) les arguments de Nicolas Sarkozy et, surtout, d’élargir le débat aux véritables défis pour l’Afrique d’aujourd’hui et de demain.
Liste provisioire des auteurs
• Zohra Bouchentouf-Siagh : professeur de linguistique et de littérature française et francophone (Alger, Vienne)
• Demba Moussa Dembélé : économiste (Dakar)
• Mamoussé Diagne : essayiste, professeur (Université Ch. Anta Diop, Dakar)
• Souleymane Bachir Diagne : essayiste, professeur (Dakar, Chicago)
• Boubacar Boris Diop : écrivain (Dakar)
• Babacar Diop Buuba : professeur (Université Ch. Anta Diop, Dakar)
• Dialo Diop : médecin biologiste (Dakar)
• Makhily Gassama : essayiste (Dakar)
• Koulsy Lamko : écrivain, professeur (N’Djaména)
• Gourmo Abdoul Lô : avocat, professeur (Nouakchott, Le Havre)
• Louise-Marie Maes Diop : géographe (Dakar)
• Kettly Mars : romancière (Haïti)
• Mwatha Musanji Ngalasso : essayiste, professeur (Université Montaigne, Bordeaux)
• Patrice Nganang : écrivain, essayiste, professeur (Cameroun, USA)
• Djibril Tamsir Niane : écrivain, historien (Conakry)
• Théophile Obenga : égyptologue, linguiste, historien, professeur (France, Université d’État de San Francisco USA)
• Raharimanana : écrivain (Madagascar)
• Bamba Sakho : docteur en sciences, chercheur (France)
• E. H. Ibrahima Sall : économiste
• Mahamadou Siribié : doctorant en Science politique (Nice, France)
• Adama Sow Diéye : professeur (Université Ch. Anta Diop, Dakar)
• Odile Tobner : professeur (Cameroun, France)
• Lye M. Yoka : professeur (Kinshasa)

Pour acheter le livre :


AMAZONE
http://doiop.com/zaph1f

FNAC
http://doiop.com/4cgi5d

Site de l'éditeur :
http://www.philippe-rey.fr/documents/afrique_defi.html
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L’Afrique répond à Sarkozy, contre le discours de Dakar

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Messagepar Modou Mbacke » Sam Fév 23, 2008 3:55 pm

merci mais ils ont tardé meme.
je l acheterai.
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Messagepar fatou » Dim Fév 24, 2008 5:47 am

Tant que nous ne serons pas citoyens de pays développés, nous ne pourrons qu'essuyer des discours arrogants de ce type. ce n'est pas en situant les responsabilités des uns et des autres que la famine cessera, que le système éducatif retrouvera une certaine vivacité...

Qu'avons-nous eu, en termes de considération, depuis que nous dénonçons les pratiques malsaines de la colonisation? Je prendrai bien le soin de lire cet ouvrage.

De vous à moi, Sarkozy peut-il tenir ce discours en Chine? Plus près de nous, en Afrique du Sud? En Tunisie? Le terrain sénégalais coacher par "le-vieux-mendiant-expert-en-démocratie" lui était sérieusement favorable.

Cherchons à développer notre Continent, c'est la meilleure reponse au petit arrogant!
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Messagepar Diabi Doua Camara » Dim Fév 24, 2008 3:52 pm

discours de sarkozy
[hr]

Dakar, Sénégal, le 26 juillet 2007



Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi de remercier d'abord le gouvernement et le peuple sénégalais de leur accueil si chaleureux. Permettez-moi de remercier l'université de Dakar qui me permet pour la première fois de m'adresser à l'élite de la jeunesse africaine en tant que Président de la République française.


Je suis venu vous parler avec la franchise et la sincérité que l'on doit à des amis que l'on aime et que l'on respecte. J'aime l'Afrique, je respecte et j'aime les Africains.


Entre le Sénégal et la France, l'histoire a tissé les liens d'une amitié que nul ne peut défaire. Cette amitié est forte et sincère. C'est pour cela que j'ai souhaité adresser, de Dakar, le salut fraternel de la France à l'Afrique toute entière.

Je veux, ce soir, m'adresser à tous les Africains qui sont si différents les uns des autres, qui n'ont pas la même langue, qui n'ont pas la même religion, qui n'ont pas les mêmes coutumes, qui n'ont pas la même culture, qui n'ont pas la même histoire et qui pourtant se reconnaissent les uns les autres comme des Africains. Là réside le premier mystère de l'Afrique.


Oui, je veux m'adresser à tous les habitants de ce continent meurtri, et, en particulier, aux jeunes, à vous qui vous êtes tant battus les uns contre les autres et souvent tant haïs, qui parfois vous combattez et vous haïssez encore mais qui pourtant vous reconnaissez comme frères, frères dans la souffrance, frères dans l'humiliation, frères dans la révolte, frères dans l'espérance, frères dans le sentiment que vous éprouvez d'une destinée commune, frères à travers cette foi mystérieuse qui vous rattache à la terre africaine, foi qui se transmet de génération en génération et que l'exil lui-même ne peut effacer.


Je ne suis pas venu, jeunes d'Afrique, pour pleurer avec vous sur les malheurs de l'Afrique. Car l'Afrique n'a pas besoin de mes pleurs.


Je ne suis pas venu, jeunes d'Afrique, pour m'apitoyer sur votre sort parce que votre sort est d'abord entre vos mains. Que feriez-vous, fière jeunesse africaine de ma pitié ?


Je ne suis pas venu effacer le passé car le passé ne s'efface pas.


Je ne suis pas venu nier les fautes ni les crimes car il y a eu des fautes et il y a eu des crimes.


Il y a eu la traite négrière, il y a eu l'esclavage, les hommes, les femmes, les enfants achetés et vendus comme des marchandises. Et ce crime ne fut pas seulement un crime contre les Africains, ce fut un crime contre l'homme, ce fut un crime contre l'humanité toute entière.


Et l'homme noir qui éternellement « entend de la cale monter les malédictions enchaînées, les hoquettements des mourants, le bruit de l'un d'entre eux qu'on jette à la mer ». Cet homme noir qui ne peut s'empêcher de se répéter sans fin « Et ce pays cria pendant des siècles que nous sommes des bêtes brutes ». Cet homme noir, je veux le dire ici à Dakar, a le visage de tous les hommes du monde.


Cette souffrance de l'homme noir, je ne parle pas de l'homme au sens du sexe, je parle de l'homme au sens de l'être humain et bien sûr de la femme et de l'homme dans son acceptation générale. Cette souffrance de l'homme noir, c'est la souffrance de tous les hommes. Cette blessure ouverte dans l'âme de l'homme noir est une blessure ouverte dans l'âme de tous les hommes.

Mais nul ne peut demander aux générations d'aujourd'hui d'expier ce crime perpétré par les générations passées. Nul ne peut demander aux fils de se repentir des fautes de leurs pères.


Jeunes d'Afrique, je ne suis pas venu vous parler de repentance. Je suis venu vous dire que je ressens la traite et l'esclavage comme des crimes envers l'humanité. Je suis venu vous dire que votre déchirure et votre souffrance sont les nôtres et sont donc les miennes.


Je suis venu vous proposer de regarder ensemble, Africains et Français, au-delà de cette déchirure et au-delà de cette souffrance.


Je suis venu vous proposer, jeunes d'Afrique, non d'oublier cette déchirure et cette souffrance qui ne peuvent pas être oubliées, mais de les dépasser.


Je suis venu vous proposer, jeunes d'Afrique, non de ressasser ensemble le passé mais d'en tirer ensemble les leçons afin de regarder ensemble l'avenir.


Je suis venu, jeunes d'Afrique, regarder en face avec vous notre histoire commune.


L'Afrique a sa part de responsabilité dans son propre malheur. On s'est entretué en Afrique au moins autant qu'en Europe. Mais il est vrai que jadis, les Européens sont venus en Afrique en conquérants. Ils ont pris la terre de vos ancêtres. Ils ont banni les dieux, les langues, les croyances, les coutumes de vos pères. Ils ont dit à vos pères ce qu'ils devaient penser, ce qu'ils devaient croire, ce qu'ils devaient faire. Ils ont coupé vos pères de leur passé, ils leur ont arraché leur âme et leurs racines. Ils ont désenchanté l'Afrique.


Ils ont eu tort.


Ils n'ont pas vu la profondeur et la richesse de l'âme africaine. Ils ont cru qu'ils étaient supérieurs, qu'ils étaient plus avancés, qu'ils étaient le progrès, qu'ils étaient la civilisation.


Ils ont eu tort.


Ils ont voulu convertir l'homme africain, ils ont voulu le façonner à leur image, ils ont cru qu'ils avaient tous les droits, ils ont cru qu'ils étaient tout puissants, plus puissants que les dieux de l'Afrique, plus puissants que l'âme africaine, plus puissants que les liens sacrés que les hommes avaient tissés patiemment pendant des millénaires avec le ciel et la terre d'Afrique, plus puissants que les mystères qui venaient du fond des âges.


Ils ont eu tort.


Ils ont abîmé un art de vivre. Ils ont abîmé un imaginaire merveilleux. Ils ont abîmé une sagesse ancestrale.

Ils ont eu tort.


Ils ont créé une angoisse, un mal de vivre. Ils ont nourri la haine. Ils ont rendu plus difficile l'ouverture aux autres, l'échange, le partage parce que pour s'ouvrir, pour échanger, pour partager, il faut être assuré de son identité, de ses valeurs, de ses convictions. Face au colonisateur, le colonisé avait fini par ne plus avoir confiance en lui, par ne plus savoir qui il était, par se laisser gagner par la peur de l'autre, par la crainte de l'avenir.


Le colonisateur est venu, il a pris, il s'est servi, il a exploité, il a pillé des ressources, des richesses qui ne lui appartenaient pas. Il a dépouillé le colonisé de sa personnalité, de sa liberté, de sa terre, du fruit de son travail.


Il a pris mais je veux dire avec respect qu'il a aussi donné. Il a construit des ponts, des routes, des hôpitaux, des dispensaires, des écoles. Il a rendu fécondes des terres vierges, il a donné sa peine, son travail, son savoir. Je veux le dire ici, tous les colons n'étaient pas des voleurs, tous les colons n'étaient pas des exploiteurs.


Il y avait parmi eux des hommes mauvais mais il y avait aussi des hommes de bonne volonté, des hommes qui croyaient remplir une mission civilisatrice, des hommes qui croyaient faire le bien. Ils se trompaient mais certains étaient sincères. Ils croyaient donner la liberté, ils créaient l'aliénation. Ils croyaient briser les chaînes de l'obscurantisme, de la superstition, de la servitude. Ils forgeaient des chaînes bien plus lourdes, ils imposaient une servitude plus pesante, car c'étaient les esprits, c'étaient les âmes qui étaient asservis. Ils croyaient donner l'amour sans voir qu'ils semaient la révolte et la haine.


La colonisation n'est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l'Afrique. Elle n'est pas responsable des guerres sanglantes que se font les Africains entre eux. Elle n'est pas responsable des génocides. Elle n'est pas responsable des dictateurs. Elle n'est pas responsable du fanatisme. Elle n'est pas responsable de la corruption, de la prévarication. Elle n'est pas responsable des gaspillages et de la pollution.


Mais la colonisation fut une grande faute qui fut payée par l'amertume et la souffrance de ceux qui avaient cru tout donner et qui ne comprenaient pas pourquoi on leur en voulait autant.


La colonisation fut une grande faute qui détruisit chez le colonisé l'estime de soi et fit naître dans son cœur cette haine de soi qui débouche toujours sur la haine des autres.


La colonisation fut une grande faute mais de cette grande faute est né l'embryon d'une destinée commune. Et cette idée me tient particulièrement à cœur.


La colonisation fut une faute qui a changé le destin de l'Europe et le destin de l'Afrique et qui les a mêlés. Et ce destin commun a été scellé par le sang des Africains qui sont venus mourir dans les guerres européennes.


Et la France n'oublie pas ce sang africain versé pour sa liberté.


Nul ne peut faire comme si rien n'était arrivé.


Nul ne peut faire comme si cette faute n'avait pas été commise.


Nul ne peut faire comme si cette histoire n'avait pas eu lieu.


Pour le meilleur comme pour le pire, la colonisation a transformé l'homme africain et l'homme européen.


Jeunes d'Afrique, vous êtes les héritiers des plus vieilles traditions africaines et vous êtes les héritiers de tout ce que l'Occident a déposé dans le cœur et dans l'âme de l'Afrique.


Jeunes d'Afrique, la civilisation européenne a eu tort de se croire supérieure à celle de vos ancêtres, mais désormais la civilisation européenne vous appartient aussi.


Jeunes d'Afrique, ne cédez pas à la tentation de la pureté parce qu'elle est une maladie, une maladie de l'intelligence, et qui est ce qu'il y a de plus dangereux au monde.


Jeunes d'Afrique, ne vous coupez pas de ce qui vous enrichit, ne vous amputez pas d'une part de vous-même. La pureté est un enfermement, la pureté est une intolérance. La pureté est un fantasme qui conduit au fanatisme.


Je veux vous dire, jeunes d'Afrique, que le drame de l'Afrique n'est pas dans une prétendue infériorité de son art, sa pensée, de sa culture. Car, pour ce qui est de l'art, de la pensée et de la culture, c'est l'Occident qui s'est mis à l'école de l'Afrique.


L'art moderne doit presque tout à l'Afrique. L'influence de l'Afrique a contribué à changer non seulement l'idée de la beauté, non seulement le sens du rythme, de la musique, de la danse, mais même dit Senghor, la manière de marcher ou de rire du monde du XXème siècle.


Je veux donc dire, à la jeunesse d'Afrique, que le drame de l'Afrique ne vient pas de ce que l'âme africaine serait imperméable à la logique et à la raison. Car l'homme africain est aussi logique et raisonnable que l'homme européen.


C'est en puisant dans l'imaginaire africain que vous ont légué vos ancêtres, c'est en puisant dans les contes, dans les proverbes, dans les mythologies, dans les rites, dans ces formes qui, depuis l'aube des temps, se transmettent et s'enrichissent de génération en génération que vous trouverez l'imagination et la force de vous inventer un avenir qui vous soit propre, un avenir singulier qui ne ressemblera à aucun autre, où vous vous sentirez enfin libres, libres, jeunes d'Afrique d'être vous-mêmes, libres de décider par vous-mêmes.


Je suis venu vous dire que vous n'avez pas à avoir honte des valeurs de la civilisation africaine, qu'elles ne vous tirent pas vers le bas mais vers le haut, qu'elles sont un antidote au matérialisme et à l'individualisme qui asservissent l'homme moderne, qu'elles sont le plus précieux des héritages face à la déshumanisation et à l'aplatissement du monde.


Je suis venu vous dire que l'homme moderne qui éprouve le besoin de se réconcilier avec la nature a beaucoup à apprendre de l'homme africain qui vit en symbiose avec la nature depuis des millénaires.


Je suis venu vous dire que cette déchirure entre ces deux parts de vous-mêmes est votre plus grande force, et votre plus grande faiblesse selon que vous vous efforcerez ou non d'en faire la synthèse.


Mais je suis aussi venu vous dire qu'il y a en vous, jeunes d'Afrique, deux héritages, deux sagesses, deux traditions qui se sont longtemps combattues : celle de l'Afrique et celle de l'Europe.


Je suis venu vous dire que cette part africaine et cette part européenne de vous-mêmes forment votre identité déchirée.


Je ne suis pas venu, jeunes d'Afrique, vous donner des leçons.


Je ne suis pas venu vous faire la morale.


Mais je suis venu vous dire que la part d'Europe qui est en vous est le fruit d'un grand péché d'orgueil de l'Occident mais que cette part d'Europe en vous n'est pas indigne.


Car elle est l'appel de la liberté, de l'émancipation et de la justice et de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Car elle est l'appel à la raison et à la conscience universelles.


Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l'idéal de vie est d'être en harmonie avec la nature, ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles.


Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine, ni pour l'idée de progrès.


Dans cet univers où la nature commande tout, l'homme échappe à l'angoisse de l'histoire qui tenaille l'homme moderne mais l'homme reste immobile au milieu d'un ordre immuable où tout semble être écrit d'avance.
Jamais l'homme ne s'élance vers l'avenir. Jamais il ne lui vient à l'idée de sortir de la répétition pour s'inventer un destin.


Le problème de l'Afrique et permettez à un ami de l'Afrique de le dire, il est là. Le défi de l'Afrique, c'est d'entrer davantage dans l'histoire. C'est de puiser en elle l'énergie, la force, l'envie, la volonté d'écouter et d'épouser sa propre histoire.


Le problème de l'Afrique, c'est de cesser de toujours répéter, de toujours ressasser, de se libérer du mythe de l'éternel retour, c'est de prendre conscience que l'âge d'or qu'elle ne cesse de regretter, ne reviendra pas pour la raison qu'il n'a jamais existé.


Le problème de l'Afrique, c'est qu'elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l'enfance.


Le problème de l'Afrique, c'est que trop souvent elle juge le présent par rapport à une pureté des origines totalement imaginaire et que personne ne peut espérer ressusciter.


Le problème de l'Afrique, ce n'est pas de s'inventer un passé plus ou moins mythique pour s'aider à supporter le présent mais de s'inventer un avenir avec des moyens qui lui soient propres.


Le problème de l'Afrique, ce n'est pas de se préparer au retour du malheur, comme si celui-ci devait indéfiniment se répéter, mais de vouloir se donner les moyens de conjurer le malheur, car l'Afrique a le droit au bonheur comme tous les autres continents du monde.


Le problème de l'Afrique, c'est de rester fidèle à elle-même sans rester immobile.


Le défi de l'Afrique, c'est d'apprendre à regarder son accession à l'universel non comme un reniement de ce qu'elle est mais comme un accomplissement.


Le défi de l'Afrique, c'est d'apprendre à se sentir l'héritière de tout ce qu'il y a d'universel dans toutes les civilisations humaines.


C'est de s'approprier les droits de l'homme, la démocratie, la liberté, l'égalité, la justice comme l'héritage commun de toutes les civilisations et de tous les hommes.


C'est de s'approprier la science et la technique modernes comme le produit de toute l'intelligence humaine.


Le défi de l'Afrique est celui de toutes les civilisations, de toutes les cultures, de tous les peuples qui veulent garder leur identité sans s'enfermer parce qu'ils savent que l'enfermement est mortel.


Les civilisations sont grandes à la mesure de leur participation au grand métissage de l'esprit humain.


La faiblesse de l'Afrique qui a connu sur son sol tant de civilisations brillantes, ce fut longtemps de ne pas participer assez à ce grand métissage. Elle a payé cher, l'Afrique, ce désengagement du monde qui l'a rendue si vulnérable. Mais, de ses malheurs, l'Afrique a tiré une force nouvelle en se métissant à son tour. Ce métissage, quelles que fussent les conditions douloureuses de son avènement, est la vraie force et la vraie chance de l'Afrique au moment où émerge la première civilisation mondiale.


La civilisation musulmane, la chrétienté, la colonisation, au-delà des crimes et des fautes qui furent commises en leur nom et qui ne sont pas excusables, ont ouvert les cœurs et les mentalités africaines à l'universel et à l'histoire.


Ne vous laissez pas, jeunes d'Afrique, voler votre avenir par ceux qui ne savent opposer à l'intolérance que l'intolérance, au racisme que le racisme.


Ne vous laissez pas, jeunes d'Afrique, voler votre avenir par ceux qui veulent vous exproprier d'une histoire qui vous appartient aussi parce qu'elle fut l'histoire douloureuse de vos parents, de vos grands-parents et de vos aïeux.


N'écoutez pas, jeunes d'Afrique, ceux qui veulent faire sortir l'Afrique de l'histoire au nom de la tradition parce qu'une Afrique ou plus rien ne changerait serait de nouveau condamnée à la servitude.


N'écoutez pas, jeunes d'Afrique, ceux qui veulent vous empêcher de prendre votre part dans l'aventure humaine, parce que sans vous, jeunes d'Afrique qui êtes la jeunesse du monde, l'aventure humaine sera moins belle.


N'écoutez pas jeunes d'Afrique, ceux qui veulent vous déraciner, vous priver de votre identité, faire table rase de tout ce qui est africain, de toute la mystique, la religiosité, la sensibilité, la mentalité africaine, parce que pour échanger il faut avoir quelque chose à donner, parce que pour parler aux autres, il faut avoir quelque chose à leur dire.
Ecoutez plutôt, jeunes d'Afrique, la grande voix du Président Senghor qui chercha toute sa vie à réconcilier les héritages et les cultures au croisement desquels les hasards et les tragédies de l'histoire avaient placé l'Afrique.


Il disait, lui l'enfant de Joal, qui avait été bercé par les rhapsodies des griots, il disait : « nous sommes des métis culturels, et si nous sentons en nègres, nous nous exprimons en français, parce que le français est une langue à vocation universelle, que notre message s'adresse aussi aux Français et aux autres hommes ».


Il disait aussi : « le français nous a fait don de ses mots abstraits -si rares dans nos langues maternelles. Chez nous les mots sont naturellement nimbés d'un halo de sève et de sang ; les mots du français eux rayonnent de mille feux, comme des diamants. Des fusées qui éclairent notre nuit ».


Ainsi parlait Léopold Senghor qui fait honneur à tout ce que l'humanité comprend d'intelligence. Ce grand poète et ce grand Africain voulait que l'Afrique se mit à parler à toute l'humanité et lui écrivait en français des poèmes pour tous les hommes.


Ces poèmes étaient des chants qui parlaient, à tous les hommes, d'êtres fabuleux qui gardent des fontaines, chantent dans les rivières et qui se cachent dans les arbres.


Des poèmes qui leur faisaient entendre les voix des morts du village et des ancêtres.


Des poèmes qui faisaient traverser des forêts de symboles et remonter jusqu'aux sources de la mémoire ancestrale que chaque peuple garde au fond de sa conscience comme l'adulte garde au fond de la sienne le souvenir du bonheur de l'enfance.

Car chaque peuple a connu ce temps de l'éternel présent, où il cherchait non à dominer l'univers mais à vivre en harmonie avec l'univers. Temps de la sensation, de l'instinct, de l'intuition. Temps du mystère et de l'initiation. Temps mystique où le sacré était partout, où tout était signes et correspondances. C'est le temps des magiciens, des sorciers et des chamanes. Le temps de la parole qui était grande, parce qu'elle se respecte et se répète de génération en génération, et transmet, de siècle en siècle, des légendes aussi anciennes que les dieux.


L'Afrique a fait se ressouvenir à tous les peuples de la terre qu'ils avaient partagé la même enfance. L'Afrique en a réveillé les joies simples, les bonheurs éphémères et ce besoin, ce besoin auquel je crois moi-même tant, ce besoin de croire plutôt que de comprendre, ce besoin de ressentir plutôt que de raisonner, ce besoin d'être en harmonie plutôt que d'être en conquête.


Ceux qui jugent la culture africaine arriérée, ceux qui tiennent les Africains pour de grands enfants, tous ceux-là ont oublié que la Grèce antique qui nous a tant appris sur l'usage de la raison avait aussi ses sorciers, ses devins, ses cultes à mystères, ses sociétés secrètes, ses bois sacrés et sa mythologie qui venait du fond des âges et dans laquelle nous puisons encore, aujourd'hui, un inestimable trésor de sagesse humaine.


L'Afrique qui a aussi ses grands poèmes dramatiques et ses légendes tragiques, en écoutant Sophocle, a entendu une voix plus familière qu'elle ne l'aurait crû et l'Occident a reconnu dans l'art africain des formes de beauté qui avaient jadis été les siennes et qu'il éprouvait le besoin de ressusciter.


Alors entendez, jeunes d'Afrique, combien Rimbaud est africain quand il met des couleurs sur les voyelles comme tes ancêtres en mettaient sur leurs masques, « masque noir, masque rouge, masque blanc–et-noir ».


Ouvrez les yeux, jeunes d'Afrique, et ne regardez plus, comme l'ont fait trop souvent vos aînés, la civilisation mondiale comme une menace pour votre identité mais la civilisation mondiale comme quelque chose qui vous appartient aussi.

Dès lors que vous reconnaîtrez dans la sagesse universelle une part de la sagesse que vous tenez de vos pères et que vous aurez la volonté de la faire fructifier, alors commencera ce que j'appelle de mes vœux, la Renaissance africaine.


Dès lors que vous proclamerez que l'homme africain n'est pas voué à un destin qui serait fatalement tragique et que, partout en Afrique, il ne saurait y avoir d'autre but que le bonheur, alors commencera la Renaissance africaine.


Dès lors que vous, jeunes d'Afrique, vous déclarerez qu'il ne saurait y avoir d'autres finalités pour une politique africaine que l'unité de l'Afrique et l'unité du genre humain, alors commencera la Renaissance africaine.


Dès lors que vous regarderez bien en face la réalité de l'Afrique et que vous la prendrez à bras le corps, alors commencera la Renaissance africaine. Car le problème de l'Afrique, c'est qu'elle est devenue un mythe que chacun reconstruit pour les besoins de sa cause.


Et ce mythe empêche de regarder en face la réalité de l'Afrique.
La réalité de l'Afrique, c'est une démographie trop forte pour une croissance économique trop faible.

La réalité de l'Afrique, c'est encore trop de famine, trop de misère.


La réalité de l'Afrique, c'est la rareté qui suscite la violence.


La réalité de l'Afrique, c'est le développement qui ne va pas assez vite, c'est l'agriculture qui ne produit pas assez, c'est le manque de routes, c'est le manque d'écoles, c'est le manque d'hôpitaux. La réalité de l'Afrique, c'est un grand gaspillage d'énergie, de courage, de talents, d'intelligence.


La réalité de l'Afrique, c'est celle d'un grand continent qui a tout pour réussir et qui ne réussit pas parce qu'il n'arrive pas à se libérer de ses mythes.


La Renaissance dont l'Afrique a besoin, vous seuls, Jeunes d'Afrique, vous pouvez l'accomplir parce que vous seuls en aurez la force.


Cette Renaissance, je suis venu vous la proposer. Je suis venu vous la proposer pour que nous l'accomplissions ensemble parce que de la Renaissance de l'Afrique dépend pour une large part la Renaissance de l'Europe et la Renaissance du monde.


Je sais l'envie de partir qu'éprouvent un si grand nombre d'entre vous confrontés aux difficultés de l'Afrique.


Je sais la tentation de l'exil qui pousse tant de jeunes Africains à aller chercher ailleurs ce qu'ils ne trouvent pas ici pour faire vivre leur famille.


Je sais ce qu'il faut de volonté, ce qu'il faut de courage pour tenter cette aventure, pour quitter sa patrie, la terre où l'on est né, où l'on a grandi, pour laisser derrière soi les lieux familiers où l'on a été heureux, l'amour d'une mère, d'un père ou d'un frère et cette solidarité, cette chaleur, cet esprit communautaire qui sont si forts en Afrique.


Je sais ce qu'il faut de force d'âme pour affronter le dépaysement, l'éloignement, la solitude.


Je sais ce que la plupart d'entre eux doivent affronter comme épreuves, comme difficultés, comme risques.

Je sais qu'ils iront parfois jusqu'à risquer leur vie pour aller jusqu'au bout de ce qu'ils croient être leur rêve.


Mais je sais que rien ne les retiendra.


Car rien ne retient jamais la jeunesse quand elle se croit portée par ses rêves.


Je ne crois pas que la jeunesse africaine ne soit poussée à partir que pour fuir la misère.


Je crois que la jeunesse africaine s'en va parce que, comme toutes les jeunesses, elle veut conquérir le monde.


Comme toutes les jeunesses, elle a le goût de l'aventure et du grand large.


Elle veut aller voir comment on vit, comment on pense, comment on travaille, comment on étudie ailleurs.


L'Afrique n'accomplira pas sa Renaissance en coupant les ailes de sa jeunesse. Mais l'Afrique a besoin de sa jeunesse.


La Renaissance de l'Afrique commencera en apprenant à la jeunesse africaine à vivre avec le monde, non à le refuser.


La jeunesse africaine doit avoir le sentiment que le monde lui appartient comme à toutes les jeunesses de la terre.


La jeunesse africaine doit avoir le sentiment que tout deviendra possible comme tout semblait possible aux hommes de la Renaissance.


Alors, je sais bien que la jeunesse africaine, ne doit pas être la seule jeunesse du monde assignée à résidence. Elle ne peut pas être la seule jeunesse du monde qui n'a le choix qu'entre la clandestinité et le repliement sur soi.


Elle doit pouvoir acquérir, hors d'Afrique la compétence et le savoir qu'elle ne trouverait pas chez elle.

Mais elle doit aussi à la terre africaine de mettre à son service les talents qu'elle aura développés. Il faut revenir bâtir l'Afrique ; il faut lui apporter le savoir, la compétence le dynamisme de ses cadres. Il faut mettre un terme au pillage des élites africaines dont l'Afrique a besoin pour se développer.

Ce que veut la jeunesse africaine c'est de ne pas être à la merci des passeurs sans scrupules qui jouent avec votre vie.

Ce que veut la jeunesse d'Afrique, c'est que sa dignité soit préservée.

C'est pouvoir faire des études, c'est pouvoir travailler, c'est pouvoir vivre décemment. C'est au fond, ce que veut toute l'Afrique. L'Afrique ne veut pas de la charité. L'Afrique ne veut pas d'aide. L'Afrique ne veut pas de passe-droit.


Ce que veut l'Afrique et ce qu'il faut lui donner, c'est la solidarité, la compréhension et le respect.


Ce que veut l'Afrique, ce n'est pas que l'on prenne son avenir en main, ce n'est pas que l'on pense à sa place, ce n'est pas que l'on décide à sa place.

Ce que veut l'Afrique est ce que veut la France, c'est la coopération, c'est l'association, c'est le partenariat entre des nations égales en droits et en devoirs.

Jeunesse africaine, vous voulez la démocratie, vous voulez la liberté, vous voulez la justice, vous voulez le Droit ? C'est à vous d'en décider. La France ne décidera pas à votre place. Mais si vous choisissez la démocratie, la liberté, la justice et le Droit, alors la France s'associera à vous pour les construire.


Jeunes d'Afrique, la mondialisation telle qu'elle se fait ne vous plaît pas. L'Afrique a payé trop cher le mirage du collectivisme et du progressisme pour céder à celui du laisser-faire.


Jeunes d'Afrique vous croyez que le libre échange est bénéfique mais que ce n'est pas une religion. Vous croyez que la concurrence est un moyen mais que ce n'est pas une fin en soi. Vous ne croyez pas au laisser-faire. Vous savez qu'à être trop naïve, l'Afrique serait condamnée à devenir la proie des prédateurs du monde entier. Et cela vous ne le voulez pas. Vous voulez une autre mondialisation, avec plus d'humanité, avec plus de justice, avec plus de règles.

Je suis venu vous dire que la France la veut aussi. Elle veut se battre avec l'Europe, elle veut se battre avec l'Afrique, elle veut se battre avec tous ceux, qui dans le monde, veulent changer la mondialisation. Si l'Afrique, la France et l'Europe le veulent ensemble, alors nous réussirons. Mais nous ne pouvons pas exprimer une volonté à votre place.


Jeunes d'Afrique, vous voulez le développement, vous voulez la croissance, vous voulez la hausse du niveau de vie.


Mais le voulez-vous vraiment ? Voulez-vous que cessent l'arbitraire, la corruption, la violence ? Voulez-vous que la propriété soit respectée, que l'argent soit investi au lieu d'être détourné ? Voulez-vous que l'État se remette à faire son métier, qu'il soit allégé des bureaucraties qui l'étouffent, qu'il soit libéré du parasitisme, du clientélisme, que son autorité soit restaurée, qu'il domine les féodalités, qu'il domine les corporatismes ? Voulez-vous que partout règne l'État de droit qui permet à chacun de savoir raisonnablement ce qu'il peut attendre des autres ?


Si vous le voulez, alors la France sera à vos côtés pour l'exiger, mais personne ne le voudra à votre place.

Voulez-vous qu'il n'y ait plus de famine sur la terre africaine ? Voulez-vous que, sur la terre africaine, il n'y ait plus jamais un seul enfant qui meure de faim ? Alors cherchez l'autosuffisance alimentaire. Alors développez les cultures vivrières. L'Afrique a d'abord besoin de produire pour se nourrir. Si c'est ce que vous voulez, jeunes d'Afrique, vous tenez entre vos mains l'avenir de l'Afrique, et la France travaillera avec vous pour bâtir cet avenir.

Vous voulez lutter contre la pollution ? Vous voulez que le développement soit durable ? Vous voulez que les générations actuelles ne vivent plus au détriment des générations futures ? Vous voulez que chacun paye le véritable coût de ce qu'il consomme ? Vous voulez développer les technologies propres ? C'est à vous de le décider. Mais si vous le décidez, la France sera à vos côtés.


Vous voulez la paix sur le continent africain ? Vous voulez la sécurité collective ? Vous voulez le règlement pacifique des conflits ? Vous voulez mettre fin au cycle infernal de la vengeance et de la haine ? C'est à vous, mes amis africains, de le décider . Et si vous le décidez, la France sera à vos côtés, comme une amie indéfectible, mais la France ne peut pas vouloir à la place de la jeunesse d'Afrique.

Vous voulez l'unité africaine ? La France le souhaite aussi. Parce que la France souhaite l'unité de l'Afrique, car l'unité de l'Afrique rendra l'Afrique aux Africains.


Ce que veut faire la France avec l'Afrique, c'est regarder en face les réalités. C'est faire la politique des réalités et non plus la politique des mythes.


Ce que la France veut faire avec l'Afrique, c'est le co-développement, c'est-à-dire le développement partagé.


La France veut avec l'Afrique des projets communs, des pôles de compétitivité communs, des universités communes, des laboratoires communs.


Ce que la France veut faire avec l'Afrique, c'est élaborer une stratégie commune dans la mondialisation.


Ce que la France veut faire avec l'Afrique, c'est une politique d'immigration négociée ensemble, décidée ensemble pour que la jeunesse africaine puisse être accueillie en France et dans toute l'Europe avec dignité et avec respect.


Ce que la France veut faire avec l'Afrique, c'est une alliance de la jeunesse française et de la jeunesse africaine pour que le monde de demain soit un monde meilleur.


Ce que veut faire la France avec l'Afrique, c'est préparer l'avènement de l'Eurafrique, ce grand destin commun qui attend l'Europe et l'Afrique.


A ceux qui, en Afrique, regardent avec méfiance ce grand projet de l'Union Méditerranéenne que la France a proposé à tous les pays riverains de la Méditerranée, je veux dire que, dans l'esprit de la France, il ne s'agit nullement de mettre à l'écart l'Afrique, qui s'étend au sud du Sahara mais, qu'au contraire, il s'agit de faire de cette Union le pivot de l'Eurafrique, la première étape du plus grand rêve de paix et de prospérité qu'Européens et Africains sont capables de concevoir ensemble.


Alors, mes chers Amis, alors seulement, l'enfant noir de Camara Laye, à genoux dans le silence de la nuit africaine, saura et comprendra qu'il peut lever la tête et regarder avec confiance l'avenir. Et cet enfant noir de Camara Laye, il sentira réconciliées en lui les deux parts de lui-même. Et il se sentira enfin un homme comme tous les autres hommes de l'humanité.


Je vous remercie. |
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Messagepar Diabi Doua Camara » Dim Fév 24, 2008 4:00 pm

woici la réponse de achille mbembé à sarkozy bien avant ce livre
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L’Afrique de Nicolas Sarkozy, par Achille Mbembe


Lors de sa récente visite de travail en Afrique sub-saharienne, le président de la République française, Nicolas Sarkozy, a prononcé à Dakar un discours adressé à « l’élite de la jeunesse africaine ». Ce discours a profondément choqué une grande partie de ceux à qui il était destiné, ainsi que les milieux professionnels et l’intelligentsia africaine francophone. Viendrait-il à être traduit en anglais qu’il ne manquerait pas de causer des controverses bien plus soutenues compte tenu des traditions de nationalisme, de panafricanisme et d’afrocentrisme plus ancrées chez les Africains anglophones que chez les francophones. Achille Mbembe en fait, ici, une critique argumentée.

En auraient-ils eu l’opportunité, la majorité des Africains francophones aurait sans doute voté contre Nicolas Sarkozy lors des dernières élections présidentielles françaises.

Ce n’est pas que son concurrent d’alors, et encore moins le parti socialiste, aient quoi que ce soit de convaincant à dire au sujet de l’Afrique, ou que leurs pratiques passées témoignent de quelque volonté que ce soit de refonte radicale des relations entre la France et ses ex-colonies. Le nouveau président français aurait tout simplement payé cher son traitement de l’immigration lorsqu’il était le ministre de l’intérieur de Jacques Chirac, sa collusion supposée avec l’extrême droite raciste et son rôle dans le déclenchement des émeutes de 2005 dans les banlieues de France.

Du viol par le langage

Pour sa première tournée en Afrique au sud du Sahara, il a donc atterri à Dakar précédé d’une très mauvaise réputation - celle d’un homme politique agité et dangereux, cynique et brutal, assoiffé de pouvoir, qui n’écoute point, dit tout et le double de tout, ne lésine pas sur les moyens et n’a, à l’égard de l’Afrique et des Africains, que condescendance et mépris.

Mais ce n’était pas tout. Beaucoup étaient également prêts à l’écouter, intrigués sinon par l’intelligence politicienne, du moins la redoutable efficacité avec laquelle il gère sa victoire depuis son élection. Surpris par la nomination d’une Rachida Dati ou d’une Rama Yade au gouvernement (même si à l’époque coloniale il y avait plus de ministres d’origine africaine dans les cabinets de la république et les assemblées qu’aujourd’hui), ils voulaient savoir si, derrière la manœuvre, se profilait quelque grand dessein – une véritable reconnaissance, par la France, du caractère multiracial et cosmopolite de sa société.

Il était donc attendu. Dire qu’il a déçu est une litote. Certes, le cartel des satrapes (d’Omar Bongo, Paul Biya et Sassou Nguesso à Idris Déby, Eyadéma Fils et les autres) se félicite de ce qui apparaît clairement comme le choix de la continuité dans la gestion de la « Françafrique » - ce système de corruption réciproque qui, depuis la fin de l’occupation coloniale, lie la France à ses affidés africains.

Mais si l’on en juge par les réactions enregistrées ici et là, les éditoriaux, les courriers dans la presse, les interventions sur les chaînes de radios privées et les débats électroniques, une très grande partie de l’Afrique francophone – à commencer par la jeunesse à laquelle il s’est adressé – a trouvé ses propos sinon franchement choquants, du moins parfaitement invraisemblables. Et pour cause. Dans tous les rapports où l’une des parties n’est pas assez libre ni égale, le viol souvent commence par le langage – un langage qui, sous prétexte de n’exposer que les convictions intimes de celui qui les profère, s’exempte de tout, refuse d’exposer ses raisons et s’auto-immunise tout en faisant porter tout le poids de la violence au plus faible.

Régression

Mais pour qui n’attend rien de la France, les propos tenus à l’université de Dakar sont fort révélateurs. En effet, le discours rédigé par Henri Guaino (conseiller spécial) et prononcé par Nicolas Sarkozy dans la capitale sénégalaise offre un excellent éclairage sur le pouvoir de nuisance – conscient ou inconscient, passif ou actif – qui, dans les dix prochaines années, pourrait découler du regard paternaliste et é***é que continuent de porter certaines des nouvelles élites dirigeantes françaises (de gauche comme de droite) sur un continent qui n’a pourtant cessé de faire l’expérience de radicales mutations au cours de la dernière moitié du XXe siècle notamment.

Dans sa « franchise » et sa « sincérité », Nicolas Sarkozy révèle au grand jour ce qui, jusqu’à présent, relevait du non-dit, à savoir qu’aussi bien dans la forme que dans le fond, l’armature intellectuelle qui sous-tend la politique africaine de la France date littéralement de la fin du XIXe siècle. Voici donc une politique qui, pour sa mise en cohérence, dépend d’un héritage intellectuel obsolète, vieux de près d’un siècle, malgré les rafistolages. Le discours du nouveau président français montre comment, enfermé dans une vision frivole et exotique du continent, les nouvelles élites dirigeantes françaises prétendent jeter un éclairage sur des réalités dont elles ont fait leur hantise et leur fantasme (la race), mais dont, à la vérité, elles ignorent tout. Ainsi, pour s’adresser à « l’élite de la jeunesse africaine », Henri Guaino se contente de reprendre, presque mot à mot, des passages du chapitre consacré par Hegel à l’Afrique dans son ouvrage La raison dans l’histoire – et dont j’ai fait, récemment encore et après bien d’autres, une longue critique dans mon livre De la postcolonie (pp. 221-230). Selon Hegel en effet, l’Afrique est le pays de la substance immobile et du désordre éblouissant, joyeux et tragique de la création. Les nègres, tels nous les voyons aujourd’hui, tels ils ont toujours été. Dans l’immense énergie de l’arbitraire naturel qui les domine, ni le moment moral, ni les idées de liberté, de justice et de progrès n’ont aucune place ni statut particulier. Celui qui veut connaître les manifestations les plus épouvantables de la nature humaine peut les trouver en Afrique. Cette partie du monde n’a, à proprement parler, pas d’histoire. Ce que nous comprenons en somme sous le nom d’Afrique, c’est un monde anhistorique non développé, entièrement prisonnier de l’esprit naturel et dont la place se trouve encore au seuil de l’histoire universelle.

Les nouvelles élites françaises ne sont pas convaincues d’autre chose. Elles partagent ce préjugé hégélien. Contrairement à la génération des « Papa-Commandant » (de Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing, Mitterrand ou Chirac) qui épousait tacitement le même préjugé tout en évitant de heurter de front leurs interlocuteurs, les « nouvelles élites » de France estiment désormais qu’à des sociétés aussi plongées dans la nuit de l’enfance, l’on ne peut s’adresser qu’en s’exprimant sans frein, dans une sorte de vierge énergie. Et c’est bien ce qu’elles ont à l’idée lorsque, désormais, elles défendent tout haut l’idée d’une nation « décomplexée » par rapport à son histoire coloniale.

À leurs yeux, on ne peut parler de l’Afrique et aux Africains qu’en suivant, en sens inverse, le chemin du sens et de la raison. Peu importe que cela se fasse dans un cadre où chaque mot prononcé l’est dans un contexte d’ignorance. Il suffit de saturer les mots, de recourir à une sorte de pléthore verbale, de procéder par la suffocation des images – toutes choses qui octroient au discours de Nicolas Sarkozy à Dakar son caractère heurté, bégayant et abrupt.

J’ai en effet beau faire la part des choses. Dans le long monologue de Dakar, je ne trouve d’invitation à l’échange et au dialogue que rhétorique. Derrière les mots se profilent surtout des injonctions, des prescriptions, des appels au silence, voire à la censure, des provocations gratuites, l’insulte par-devers l’inutile flatterie - une insupportable suffisance dont, je l’imagine, on ne peut faire preuve qu’à Dakar, Yaoundé et Libreville, et certainement pas à Pretoria ou à Luanda.

Le président ethnophilosophe


À côté de Hegel existe un deuxième fonds que recyclent sans complexe les « nouvelles élites françaises ». Il s’agit d’une somme de lieux communs formalisés par l’ethnologie coloniale vers la fin du XIXe siècle. C’est au prisme de cette ethnologie que se nourrit une grande partie du discours sur l’Afrique, voire une partie de l’exotisme et de la frivolité qui constituent les figures privilégiées du racisme à la française.

Cet amas de préjugés, Lévy Brühl tenta d’en faire un système dans ses considérations sur « la mentalité primitive » ou encore « prélogique ». Dans un ensemble d’essais concernant les « sociétés inférieures » (Les fonctions mentales en 1910 ; puis La mentalité primitive en 1921), il s’acharnera à donner une caution pseudo-scientifique à la distinction entre « l’homme occidental » doué de raison et les peuples et races non-occidentaux enfermés dans le cycle de la répétition et du temps mythico-cyclique.

Se présentant – coutume bien rodée – comme « l’ami » des Africains, Leo Frobenius (que dénonce avec virulence le romancier Yambo Ouologuem dans Le devoir de violence) contribua largement à diffuser une partie des ruminations de Lévy Brühl en mettant en avant le concept de « vitalisme » africain. Certes, considérait-il que la « culture africaine » n’est pas le simple prélude à la logique et à la rationalité. Toujours est-il qu’à ses yeux, l’homme noir était, après tout, un enfant. Comme son contemporain Ludwig Klages (auteur, entre autres, de L’éros cosmogonique, L’homme et la terre, L’esprit comme ennemi de l’âme), il estimait que l’homme occidental avait payé d’une dévitalisation génératrice de comportements impersonnels la démesure dans l’usage de la volonté – le formalisme auquel il doit sa puissance sur la nature. De son côté, le missionnaire belge Placide Tempels dissertait sur « la philosophie bantoue » dont l’un des principes était, selon lui, la symbiose entre « l’homme africain » et la nature. De l’avis du bon père, la « force vitale » constitue l’être de l’homme bantu. Celle-ci se déploie du degré proche de zéro (la mort) jusqu’au niveau ultime de celui qui s’avère un « chef ».

Telles sont d’ailleurs, en plus de Pierre Teilhard de Chardin, les sources principales de la pensée de Senghor qu’Henri Guaino se fait fort de mobiliser dans l’espoir de donner aux propos présidentiels une caution autochtone. Ignore-t-il donc l’inestimable dette que, dans sa formulation du concept de la négritude ou dans la formulation de ses notions de culture, de civilisation, voire de métissage, le poète sénégalais doit aux théories les plus racistes, les plus essentialistes et les plus biologisantes de son époque ?

Mais il n’y a pas que l’ethnologie coloniale, cette pseudoscience des conquérants et autres fabricants d’une Afrique imaginaire dont ils inventent volontiers la différence afin de révéler, dans leur splendide isolement, la présence chez autrui de formes exotiques et inaltérées, témoins d’une humanité d’une autre essence. Ainsi de Maurice Delafosse (L’âme nègre, 1921), de Robert Delavignette (Les paysans noirs, 1931) et des autres démiurges de l’ « âme africaine » - cette notion idiote à laquelle les élites françaises tiennent tant. Il y a aussi le legs des expositions coloniales, la tradition des zoos humains analysée par Pascal Blanchard et ses collègues, et celle des récits de voyage les uns toujours plus fantastiques que les autres – des explorations de Du Chaillu dans les massifs du Gabon jusqu’au Dakar-Djibouti de Marcel Griaule et Michel Leiris (L’Afrique fantôme), sans compter les « découvreurs » d’art nègre, Pablo Picasso en tête.

C’est tout cela qui nourrit à son tour un habitus raciste, souvent inconscient, qui est ensuite repris par la culture de masse à travers les films, la publicité, les bandes dessinées, la peinture, la photographie, et, conséquence logique, la politique « Y’a bon banania » et « Mon z’ami toi quoi y’en a ». Dans ces produits de la culture de masse, on s’efforce de créer des attitudes qui, loin de favoriser un véritable travail de reconnaissance de l’Autre, font plutôt de ce dernier un objet substitutif dont l’attrait réside précisément dans sa capacité à libérer toutes sortes de fantasmes et de pulsions.

Le conseiller spécial du chef d’état français reprend à son compte cette logorrhée aussi bien que l’essentiel des thèses (qu’il prétend par ailleurs réfuter) des pontifes de l’ontologie africaine. Pour faire de Nicolas Sarkozy le président ethnophilosophe qu’il aspire peut-être à devenir, c’est dans cette bibliothèque coloniale et raciste qu’il va puiser ses motifs-clés. Puis il procède comme si l’idée d’une « essence nègre », d’une « âme africaine » dont « l’homme africain » serait la manifestation vivante – comme si cette idée boueuse et somme toute farfelue n’avait pas fait l’objet d’une critique radicale par les meilleurs des philosophes africains, à commencer par Fabien Éboussi Boulaga dont l’ouvrage, La crise du Muntu, est à cet égard un classique.

Dès lors, comment s’étonner qu’au bout du compte, sa définition du continent et de ses gens soit une définition purement négative ? En effet, « l’homme africain » de notre président ethnophilosophe est surtout reconnaissable soit par ce qu’il n’a pas, ce qu’il n’est pas ou ce qu’il n’est jamais parvenu à accomplir (la dialectique du manque et de l’inachèvement), soit par son opposition à « l’homme moderne » (sous-entendu « l’homme blanc ») – opposition qui résulterait de son attachement irrationnel au royaume de l’enfance, au monde de la nuit, aux bonheurs simples et à un âge d’or qui n’a jamais existé.

Pour le reste, l’Afrique des nouvelles élites dirigeantes françaises est essentiellement une Afrique rurale, féérique et fantôme, mi-bucolique et mi-cauchemardesque, peuplée de paysans, faite d’une communauté de souffrants qui n’ont rien en commun sauf leur commune position à la lisière de l’histoire, prostrés qu’ils sont dans un hors-monde - celui des sorciers et des griots, des êtres fabuleux qui gardent les fontaines, chantent dans les rivières et se cachent dans les arbres, des morts du village et des ancêtres dont on entend les voix, des masques et des forêts pleines de symboles, des poncifs que sont la prétendue « solidarité africaine », « l’esprit communautaire » , « la chaleur » et le respect des aînés et des chefs.

La politique de l’ignorance

Le discours se déroule donc dans une béatifique volonté d’ignorance de son objet, comme si, au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, l’on n’avait pas assisté à un développement spectaculaire des connaissances sur les mutations, sur la longue durée, du monde africain.

Je laisse de coté l’inestimable contribution des chercheurs africains eux-mêmes à la connaissance de leurs sociétés et à la critique interne de leurs cultures – critique à laquelle certains d’entre nous ont largement contribué, parfois avec sévérité, mais toujours avec humanité. Je parle des milliards de son propre trésor que le gouvernement français a commis dans cette grande œuvre et ne m’explique guère comment, au terme d’un tel investissement, on peut encore, aujourd’hui, tenir au sujet du continent des propos aussi peu intelligibles.

Que cache donc cette politique de l’ignorance volontaire et assumée ?

Comment peut-on se présenter à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar au début du XXIe siècle et s’adresser à l’élite intellectuelle comme si l’Afrique n’avait pas de tradition critique propre et comme si Senghor et Camara Laye, chantres respectifs de l’émotion nègre et du royaume de l’enfance, n’avaient pas fait l’objet de vigoureuses réfutations internes ?

Quelle crédibilité peut-on accorder à des propos misérabilistes qui font des Africains des êtres fondamentalement traumatisés et incapables d’agir pour leur propre compte, en fonction de leurs intérêts bien compris ? Quelle est cette historicité supposée du continent qui passe totalement sous silence la longue tradition des résistances y compris contre le colonialisme français, tout autant que les luttes en cours pour la démocratie dont aucune ne bénéficie d’un soutien franc de la part d’un pays qui a activement pris, depuis longtemps, le parti des satrapies locales ? Comment peut-on venir nous promettre une Eurafrique chimérique sans dire un mot sur les efforts internes de construction d’un cadre économique unitaire africain ? Par ailleurs, où sont donc passées les connaissances accumulées au cours des cinquante dernières années par l’Institut de Recherche sur le Développement, les laboratoires du Centre National de la Recherche Scientifique, les nombreux appels d’offres thématiques réunissant chercheurs africains et français qui ont tant servi à renouveler notre connaissance du continent – initiatives souvent généreuses auxquelles il m’est d’ailleurs arrivé, plus d’une fois, d’être associé ? Comment peut-on faire comme si, en France même, Georges Balandier n’avait pas montré, dès les années cinquante, la profonde modernité des sociétés africaines ; comme si Claude Meillassoux, Jean Copans, Emmanuel Terray, Pierre Bonafé et beaucoup d’autres n’en avaient pas démonté les dynamiques internes de production des inégalités ; comme si Catherine Coquery-Vidrovitch, Jean-Suret Canale, Almeida Topor et plusieurs autres n’avaient pas mis en évidence et la cruauté des compagnies concessionnaires, et les ambigüités des politiques économiques coloniales ; comme si Jean-François Bayart et la revue Politique africaine n’avaient pas tordu le cou à l’illusion selon laquelle le sous-développement de l’Afrique s’explique par son « désengagement du monde » ; comme si Jean-Pierre Chrétien et de nombreux géographes n’avaient pas administré la preuve de l’inventivité des techniques agraires sur la longue durée ; comme si Alain Dubresson, Annick Osmont et d’autres n’avaient pas décrit, patiemment, l’incroyable métissage des villes africaines ; comme si Alain Marie et les autres n’avaient pas montré les ressorts de l’individualisme ; comme si Jean-Pierre Warnier n’avait pas décrit la vitalité des mécanismes d’accumulation dans l’Ouest-Cameroun et ainsi de suite.

Déni de responsabilité

Quant à l’antienne sur la colonisation et le refus de la « repentance », voilà qui sort tout droit des spéculations de Pascal Bruckner, Alain Finkielkraut et autres Daniel Lefeuvre. Mais à qui fera-t-on croire qu’il n’existe pas de responsabilité morale pour des actes perpétrés par un État au long de son histoire ? À qui fera-t-on croire que pour créer un monde humain, il faut évacuer la morale et l’éthique par la fenêtre puisque dans ce monde, il n’existe ni justice des plaintes, ni justice des causes ?

Afin de dédouaner un système inique, la tentation est aujourd’hui de réécrire l’histoire de la France et de son empire en en faisant une histoire de la « pacification », de « la mise en valeur de territoires vacants et sans maîtres », de la « diffusion de l’enseignement », de la « fondation d’une médecine moderne », de la mise en place d’infrastructures routières et ferroviaires. Cet argument repose sur le vieux mensonge selon lequel la colonisation fut une entreprise humanitaire et qu’elle contribua à la modernisation de vieilles sociétés primitives et agonisantes qui, abandonnées à elles-mêmes, auraient peut-être fini par se suicider.

En traitant ainsi de la colonisation, on prétend s’autoriser, comme dans le discours de Dakar, d’une sincérité intime, d’une authenticité de départ afin de mieux trouver des alibis - auxquels on est les seuls à croire – à une entreprise passablement cruelle, abjecte et infâme. L’on prétend que les guerres de conquête, les massacres, les déportations, les razzias, les travaux forcés, la discrimination raciale institutionnelle – tout cela ne fut que « la corruption d’une grande idée » ou, comme l’explique Alexis de Tocqueville, « des nécessités fâcheuses ».

Demander que la France reconnaisse, à la manière du même Tocqueville, que le gouvernement colonial fut un « gouvernement dur, violent, arbitraire et grossier », ou encore lui demander de cesser de soutenir des dictatures corrompues en Afrique, ce n’est ni la dénigrer, ni la haïr. C’est lui demander d’assumer ses responsabilités et de pratiquer ce qu’elle dit être sa vocation universelle. Cette demande est absolument nécessaire dans les conditions actuelles. Et en matière de passé colonial français en particulier, la politique de l’irresponsabilité illimitée doit faire l’objet d’une critique ferme, intelligente et soutenue.

D’autre part, il faut être cohérent et cesser de tenir à propos de la colonisation des propos à géométrie variable – certains pour la consommation interne et d’autres pour l’exportation. Qui convaincra-t-on en effet de sa bonne foi si, en sous-main des proclamations de sincérité telles que celles de Dakar, l’on cherche à dédouaner le système colonial en cherchant à nommer, à titre posthume comme maréchal, des figures aussi sinistres que Raoul Salan ou en cherchant à construire un mémorial à des tueurs comme Bastien Thiry, Roger Degueldre, Albert Dovecar et autres Claude Piegts ?

Conclusion

La majorité des Africains ne vit ni en France, ni dans les anciennes colonies françaises. Elle ne cherche pas à émigrer dans l’Hexagone. Dans l’exercice quotidien de leur métier, des millions d’Africains ne dépendent d’aucun réseau français d’assistance. Pour leur survie, ils ne doivent strictement rien à la France et la France ne leur doit strictement rien. Et c’est bien ainsi.

Ceci dit, un profond rapport intellectuel et culturel lie certains d’entre nous à ce vieux pays où, d’ailleurs, nous avons été formés en partie. Une forte minorité de citoyens français d’origine africaine, descendants d’esclaves et d’ex-colonisés y vivent, dont le sort est loin de nous être indifférent, tout comme celui des immigrés illégaux qui, malgré le fait d’avoir enfreint la loi, ont néanmoins droit à un traitement humain.

Depuis Fanon, nous savons que c’est tout le passé du monde que nous avons à reprendre ; que nous ne pouvons pas chanter le passé aux dépens de notre présent et de notre avenir ; que « l’âme nègre » est une invention de blanc ; que le nègre n’est pas, pas plus que le blanc ; et que nous sommes notre propre fondement.

Aujourd’hui, y compris parmi les Africains francophones dont la servilité à l’égard de la France est particulièrement accusée et qui sont séduits par les sirènes du nativisme et de la condition victimaire, beaucoup d’esprits savent pertinemment que le sort du continent, ou encore son avenir, ne dépend pas de la France. Après un demi-siècle de décolonisation formelle, les jeunes générations ont appris que de la France, tout comme des autres puissances mondiales, il ne faut pas attendre grand-chose. Les Africains se sauveront eux-mêmes ou ils périront.

Elles savent aussi que jugées à l’aune de l’émancipation africaine, certaines de ces puissances sont plus nuisibles que d’autres. Et que compte tenu de notre vulnérabilité passée et actuelle, le moins que nous puissions faire est de limiter ce pouvoir de nuisance. Une telle attitude n’a rien à voir avec la haine de qui que ce soit. Au contraire, elle est le préalable à une politique de l’égalité sans laquelle il ne saurait y avoir un monde commun.

Si donc la France veut jouer un rôle positif dans l’avènement de ce monde commun, il faut qu’elle renonce à ses préjugés. Il faut que ses nouvelles élites opèrent le difficile travail intellectuel sans lequel les proclamations politiciennes d’amitié n’auront aucun sens. On ne peut pas, comme à Dakar, parler à l’ami sans s’adresser à lui. Etre capable d’amitié, c’est, comme le soulignait Jacques Derrida, savoir honorer en son ami l’ennemi qu’il peut être.

Aujourd’hui, le prisme culturel et intellectuel à partir duquel les nouvelles élites dirigeantes françaises regardent l’Afrique, la jugent ou lui administrent des leçons n’est pas seulement obsolète. Il ne fait aucune place à des rapports d’amitié qui seraient un signe de liberté parce que coextensifs à des rapports de justice et de respect. Pour l’heure, et s’agissant de l’Afrique, il manque tout simplement à la France le crédit moral qui lui permettrait de parler avec certitude et autorité.

Voilà pourquoi le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar ne sera, ni écouté, encore moins pris au sérieux par ceux à qui il était supposé s’adresser.

Achille Mbembe
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Messagepar fatou » Dim Fév 24, 2008 7:13 pm

le representant d un seul pays vient s adresser a un continent (une cinquantaine de pays) leur faire la morale sur chaque ligne de son discours. "La France n est pas responsable de ..... de L Afrique" non mais comme c est hallucinant. Le pire est qu il l a pas prononcé en france mais chez nous. Et il a faillit attendre que les detracteurs de Sarko dans son propre pays fassent semblant d etre choques par ce qu il a dit haut ce qu ils pensent tout bas, que nos eminents intellos jugent necessaire de repliquer. mais bon mieu vaut tard que jamais.
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Messagepar Modou Mbacke » Lun Fév 25, 2008 4:28 am

mais je crois que sarkozy s'en fout royalement.

il est malade ce gars. vous avez vu comment il a insulté ce gars ?
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Messagepar La Négritude » Jeu Mar 06, 2008 4:22 am

Le quotidien français "Le Monde" vient de refuser la publication du droit de réponse aux auteurs du livre "L'Afrique répond à Sarkozy - Contre le discours de Dakar", suite à la publication dans l'édition du Vendredi 29 février 2008, d'un article réquisitoire signé du journaliste Philippe Bernard sous le titre
"Des intellectuels africains en colère" http://doiop.com/10k05a
Cet article dirigé particulièrement contre Makhily Gassama, coordinateur du livre, a été publié dans la page "Débats" du journal et rangé dans la rubrique "Au courrier des lecteurs" sous le titre "Des intellectuels africains en colère" (Page 22).

Comment une tribune signée du responsable du service Afrique du Monde peut-elle se retrouver dans le courrier des lecteurs ? La rédaction du Monde a-t-elle honte des approximations et autres absurdités étalées dans cet article de Philippe Bernard, au point de le "cacher" dans le courrier des lecteurs ? Ou bien, de manière plus pernicieuse, y a-t-il une volonté délibérée de manipuler le lecteur ?

Dans la même édition du Monde, le supplément "Le Monde des Livres" (8 pages), il n’y a pas une seule ligne consacrée au livre "L'Afrique répond à Sarkozy" vendu déjà à plusieurs milliers d'exemplaires, en moins d'une semaine après sa parution. Quel curieux procédé !
En refusant de publier le droit de réponse des auteurs de cet ouvrage collectif écrit par 23 intellectuels africains venant de toutes les régions du continent, le quotidien Le Monde a clairement pris fait et cause pour son prétendu "spécialiste de l'Afrique".

En tout cas, que la rédaction du Monde le veuille ou non ce droit de réponse sera largement diffusé pour démontrer à tous les lecteurs et aux internautes que le livre-réponse au discours controversé du Président Sarkozy tenu à Dakar le 26 juillet 2007 est tout sauf de la colère de quelques intellectuels africains. L'auteur de cet article, en mal de notoriété, a voulu se payer des nègres qui n’ont eu comme seul tort de vouloir défendre la dignité de l’homme africain dont le Président de la Patrie des Droits de l’homme dit qu’il "n’est pas assez entré dans l’histoire".

Mansour Gueye


Makhily Gassama : "Philippe Bernard ou la voix de son maître"
05/03/2008
http://doiop.com/8c1on0
La critique des œuvres de l’esprit a toujours été, depuis l’adolescence, ma principale occupation. C’est dire que j’aime la critique quand elle n’est pas fondée sur la mauvaise foi, quand elle n’est pas dictée par cette malhonnêteté intellectuelle qui a toujours caractérisé les esprits faibles à court d’arguments. Ils n’ont qu’injures à la bouche.

Le journaliste Philippe Bernard se trompe d’époque et de génération. Il oublie qu’il n’y a, désormais, ni maître ni valet. Dans son foudroyant réquisitoire contre L’Afrique répond à Sarkozy, publié dans le quotidien Le Monde du 28 février 2008, sous le titre surprenant « Des intellectuels africains en colère », il a encore fait la preuve de sa légèreté, de sa malhonnêteté et de ses limites intellectuelles, qui ne surprennent pas les lecteurs de ce médiocre et prétentieux « spécialiste de l’Afrique ». Le temps est révolu où le jugement sans fondement du plus piètre journaliste de l’hexagone pouvait nous faire trembler d’effroi en Afrique.
Le Monde est un grand journal qui n’échappe pas, en France, à la règle générale qui régit les services africains des médias : la promiscuité de l’excellence et de la médiocrité. On y trouve des hommes et des femmes de compétence et de rigueur, respectables, tout soucieux du développement du continent ; comme on y trouve aussi les rebuts de la presse française, des aventuriers sans culture, fanfarons, au ton toujours péremptoire, affairistes, qui broient du nègre, dont la seule force réside dans leur ancrage dans le système de domination et de prédation que nous ne cesserons jamais de dénoncer avec force et entêtement ; ces faux spécialistes – il y en a de plus en plus dans les médias français - ne sont là, en vérité, que parce qu’ils ne sont spécialistes de rien. Nous les connaissons, et Philippe Bernard en est un.
Le rôle des médias dans les relations de l’Europe et de l’Afrique ne sont pas négligeables. Ce sont les prétendus "spécialistes de l’Afrique" qui constituent les funestes et opaques écrans entre le peuple français et le continent africain ; aucune image positive de ce continent ne doit passer la rampe, ne doit être soumise à ce peuple généreux et juste.

Ce sont eux les principaux pourfendeurs de la coopération entre la France et ses anciennes colonies, une coopération qui peine à se fonder sur le respect de la dignité des différentes parties. Ce sont ces misérables prétendus "spécialistes de l’Afrique", qui ont largement contribué, tant sous les régimes coloniaux que de nos jours, au patient processus d’infantilisation de l’Africain aux yeux du monde, surtout aux yeux de leurs populations ;

ils continuent d’épauler la Françafrique tout en faisant semblant de militer pour certaines causes certes justes, mais sans conséquences notables sur le développement réel de nos pays. Les vraies causes, ils les combattent tantôt sournoisement tantôt avec effronterie. Il n’est pas idiot – et c’est, ici, le seul mérite de ce journaliste inculte - de s’en prendre à moi, initiateur du projet de cet ouvrage collectif, dans le but de démolir l’ensemble de l’édifice. Aux yeux de ce médiocre critique littéraire, j’ai eu le tort, dans ma contribution à L’Afrique répond à Sarkozy, de suivre et de dépeindre le mépris qui a couvert le nègre à travers des millénaires, de la malédiction de Cham à nos jours.
Je n’ai pas le droit, en passant, d‘évoquer l’esclavage, la colonisation et de porter des jugements, éclairés par des preuves, sur la Francophonie, de me référer à des sommités intellectuelles, comme Cheikh Anta Diop, Théophile Obenga et tant d’autres, que ce grandiloquent journaliste appelle "groupuscule africain antisémite"; c’est toujours ça, l’argument des médiocres ; ce qui révèle, du reste, de façon flagrante, son ignorance totale des réalités africaines contemporaines. La médiocrité, dans cet univers médiatique français, est toujours prompte à brandir les épouvantails traditionnels.

Je n’ai pas le droit, à ses yeux, de m’exprimer avec assurance, d’étaler mes convictions, mes expériences de plus de quatre décennies de travail acharné sur le terrain africain, je n’ai pas le droit de m’adresser ainsi à nos partenaires français. Quelle prétention abominable ! Pour Philippe Bernard, de la part d’un Africain, d’un valet qui vient à peine de sortir du joug de son pays, actuellement nourri et blanchi par son pays, c’est "condescendant", "paranoïaque ", et l’ouvrage, dans son ensemble, est aussitôt jugé comme "un étalage souvent atterrant d’absurdités, d’approximations et de conformisme intellectuel", autant de jugements hâtifs et téméraires sans la moindre preuve à l’appui.
Insister, dans le processus de développement de nos pays, sur l’indispensable implication des forces vives de la nation, des acteurs internes, souvent ignorés des gouvernants, dénoncer les désastres causés par la Françafrique sur nos terres, exiger une coopération juste, fondée sur le respect réciproque, bref réclamer à haute voix une rupture significative des relations entre l’Afrique et la France grâce à une remise en question totale de notre politique commune de coopération, c’est, pour Philippe Bernard, "manquer de réponses convaincantes au sous-développement du continent" puisque sans la volonté de la France il n’y aura pas de développement.

"La hauteur de vue", pour ce curieux critique, consiste à mettre la France, dans nos systèmes de coopération, au-dessus de toutes les nations du monde : le maintien du pacte colonial, quoi ! D’où les citations tronquées – renvoyant à la France - qu’il a hâtivement tirées des textes de Raharimanana, de Mwatha Musanji Ngalasso et de Ibrahima Sall, comme si les autres pays d’Europe et d’ailleurs n’existaient pas, citations qui, isolées de leur contexte, semblent répondre, aux yeux du lecteur non averti, aux préoccupations de ce journaliste véreux. Un de ses objectifs, ici, est d’opposer les auteurs les uns aux autres. Demain, il cherchera à opposer les auteurs de ce livre à l’ensemble des intellectuels africains. Vaine tentative car l’Afrique est majeure. Et nous lui répondrons.
Au fait, il n’a pas lu l’ouvrage dont il parle avec une fausse assurance tant il est pressé d’orienter, dans la presse française, les critiques dans le sens souhaité ; c’est le comble de la malhonnêteté intellectuelle ; il s’est contenté de parcourir quelques lignes pour pondre son papier plein de mépris, voire de haine au nom d'un quotidien aussi respectable que Le Monde. Les jugements injurieux qu’il adresse aux auteurs sans s'appuyer sur les idées développées par ces derniers – idées qu’il ne connaît pas – et les citations volontairement dévoyées le prouvent suffisamment.

Le souci qui occupe l’esprit vicieux de cet homme est clair : jeter l’opprobre sur le travail accompli pour éloigner les lecteurs de son journal de L’Afrique répond à Sarkozy en s’appuyant surtout sur les épouvantails traditionnels bien connus. Les intellectuels africains y sont habitués, à commencer par les plus grands d’entre eux. Pour une fois, Philippe Bernard sera manifestement démasqué : le lecteur lira l’ouvrage à la fausse lumière de ses fausses accusations, et il élaborera son propre jugement en toute liberté.
Makhily Gassama



Droit de réponse par Jean-Luc Raharimanana**, refusé par Le Monde
05/03/2008
http://doiop.com/069b47
J’ai lu votre article concernant notre ouvrage collectif "L’Afrique répond à Sarkozy". Permettez-moi ce droit de réponse même si votre texte s’acharne plus particulièrement sur Makhily Gassama, le coordinateur de l’ouvrage. Vous amenez sa contribution sur le terrain d’un débat complètement faussé : un débat d’ignare et d’obscurantiste. Alors que Makhily Gassama passe en revue le piège du mépris tendu au nègre tout au long de l’histoire, vous lui mettez sous la plume les mots de ceux qu’il combat, avant de le traiter de paranoïaque et d’antisémite ! Que devrons-nous penser de ce procédé que communément on appellerait pernicieux ?

Vous parlez ensuite pour l’ensemble du livre d’un étalage atterrant d’absurdités et d’approximations sans le démontrer ! Le lecteur doit bien sûr vous croire sur parole, vous qui êtes "spécialiste de l’Afrique", contrairement à Makhily Gassama qui a consacré quarante ans de sa vie à sillonner le continent. N’en parlons pas des autres contributeurs comme Djibril Tamsir Niane, co-auteur avec feu Joseph Ki-Zerbo de "L’Histoire générale de l’Afrique" (Unesco/Présence Africaine), ils ont sûrement besoin de vos lumières de grand critique et de juge suprême. Je passe volontairement sous silence le nom de Théophile Obenga : tout ce qui se rapporte à Cheikh Anta Diop a le don d'exaspérer certains cercles bien identifiés et assez douteux.
Plus loin, le reste des contributions ne témoignent pour vous que d’un monceau d’aigreurs accumulées – depuis l’esclavage jusqu’à la Françafrique. "Monceau d’aigreurs" donc lorsqu’il s’agit de dénoncer les forfaits subis par l’Afrique ? Tant de crimes contre l’Humanité, tant de constance dans la cruauté résumés en une seule expression : monceau d’aigreurs ! Quel mépris, quel manque de vision critique…

Et quand vous me citez : "L’immense majorité des Africains n’attend de la France ni repentir ni excuse", serait-ce pour mieux conforter la non repentance clamée du sommet de l’Etat-Sarkozy ? Vous occultez le fond de mon article : l’Afrique, malgré les trahisons de ses dirigeants, a, vaille que vaille, commencé son travail de mémoire, et invité la France à faire de même. Selon vous, dans ce grand délire, il n'y aurait qu'Ibrahima Sall pour avoir une hauteur de vue. Par une phrase qui comme par miracle pose la France sur un piédestal : la nation la mieux placée pour inspirer à l'Afrique "l'universel-concret"...

Soyez certains que le public qui connaît bien l’Afrique ne sera pas dupe de votre numéro de tam-tam.
Signez la pétition contre les tests ADN imposés aux immmigrés : http://www.touchepasamonadn.com
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Messagepar Salimata » Jeu Mar 06, 2008 8:31 pm

Le fonds de commerce de l'antisémitisme s'érode tant on le mêle à toutes les sauces pour racoler les esprits légers et surtout les racistes de la pire espèce. Ce n'est pas étonnant, et ce ne sera pas la dernière fois qu'une analyse tendancieuse de ce genre se fera pour orienter la lecture et la compréhension des vraies questions de l'évolution des relations entre les pays africains, principalement ex-colonies françaises et la France, puissance néocoloniale. Cette diversion malhonnête ne peut être que l'oeuvre d'un écrivaillon condescendant et nostalgique de l'afrique de papa.
Puisqu'il lève l'anathème de l'antisémitisme, pourra-t-il nous faire le parallèle de la traite, de l'esclavage, de l'apartheid et ses nouvelles formes "civilisées" et son soi-disant antisémitisme?
Mon frère, j'espère que votre observation le fera se cacher, si tant est qu'il a brin de jugeotte.
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Messagepar Nouha Cissé » Sam Mar 08, 2008 12:02 am

Le discours de Dakar est-il raciste ?

BHL pointe un doigt accusateur contre le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar, qualifié de raciste, l'invective ne renvoyant pas au Président mais à sa plume Henri Guaino. Quelques spécialistes se prononcent.


Depuis son élocution, le 26 juillet dernier, le discours africain de Nicolas Sarkozy n'en finit pas d'alimenter les polémiques. Très mal reçu par son auditoire, il a immédiatement donné lieu à des critiques sévères dans la presse sénégalaise, avant d'être attaqué par six écrivains africains dans Libération. Mais au cœur de l'été et de l'état de grâce, en France, après l'impact, les secousses n'ont pas fait trembler la bonne image présidentielle. D'autant que certains leaders africains, comme le Président de l'Afrique du sud, ont applaudi le Président français.
Bernard-Henri Lévy a ravivé le débat sur France Inter il y a quelques jours, en traitant Henri Guaino, auteur présumé du discours, de « raciste ». La plume de Nicolas Sarkozy, qui a clairement revendique sa contribtuion au discours, a répliqué sans se départir de sa verve, que BHL était « un petit con prétentieux ». Deux hommes de lettres et de pouvoir, médiatiques de surcroît, qui s'envoient des noms d'oiseaux comme à la cour de récré, ça fait toujours rigoler. Mais après un échange aussi haut en couleur que ras des pâquerettes, on perd un peu le fil. Le discours de Dakar est-il vraiment raciste ? Mérite-t-il qu'on s'indigne ? Et que dit-il, au fond, des rapports de la France à son Histoire et au grand continent ?

L'homme africain au centre de la polémique

En dehors de Malek Boutih qui ne souhaite pas le lire… les militants antiracistes et les associations communautaires sont très prompts à marquer leur accord avec BHL, ce qui est très nouveau dans cet univers. Cible de toutes les indignations : le petit paragraphe litigieux du discours prononcé par Nicolas Sarkozy sur l' « homme africain » qui ne serait « pas assez entré dans l'histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires vit avec les saisons, dont l'idéal de vie est d'être en harmonie avec la nature, ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. » Pour Patrick Lozès, président du Conseil représentatif des associations noires (Cran), si « le racisme, c'est imputer des comportements normés à un groupe d'individus », alors « c'est ce que fait Nicolas Sarkozy dans son discours. » Une lecture partagée par Mouloud Aounit, président du Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples (Mrap) pour qui « ce discours est un hymne à la gloire des forfaits du colonialisme qui rassemble l'ensemble des clichés racistes qui introduisent « l'homme noir » comme un sous-homme. ».

Pourtant, à le lire dans son ensemble, l'argument s'érode. Avant ce paragraphe très malheureux, de nombreuses formules condamnent la colonisation et la traite négrière « crimes contre l'humanité toute entière ». Par quatre fois, l'orateur répète que « la colonisation fut une grande faute ». Et lorsqu'il évoque « l'homme noir », il introduit une formule littéraire plutôt qu'il ne stigmatise la couleur de peau des habitants subsahariens. Ce discours provoque en réalité un malaise plus profond, qui dépasse peut-être le simple débat de savoir s'il est proprement « raciste ».

Un discours daté


Pour Pascal Blanchard, chercheur au CNRS et spécialiste de la colonisation, « Ce discours est plus colonialiste que raciste.» Un discours prenant à la fois acte des erreurs passées mais sur un ton finalement assez paternaliste… un discours, surtout, aux références datées. Jean-François Probst, légende de la chiraquie qui a connu l'ère Foccart, du temps du conseilleur de de Gaulle aux Affaires africaines et malgaches, se moque : « Guaino a peut-être voulu faire du Jaurès, mais il a fait du Desroulèdes ». A l'écouter, le discours pèche finalement plus par ignorance que par idéologie.

Son analyse rejoint ainsi celle d'un journaliste spécialisé, Antoine Glaser, directeur deLa Lettre du continent,, qui est frappé par l' « anachronisme » de cette allocution : « Tous ces débats sur la repentance ou le racisme nous parlent d'un autre temps. Aujourd'hui, que ce soit la Chine, à la recherche de nouveaux marchés et de matières premières, les Etat-Unis pour le pétrole, Dubaï, les pays du Golf, le Brésil ou même l'Allemagne, tout le monde se tourne vers l'Afrique. Avec Chirac, la France a voulu se faire croire qu'elle pouvait garder sous cloche le pré-carré françafricain. Mais les caisses sont vides, ces relations sont caduques. L'Afrique évolue sans la France, pas seulement dans l'Histoire mais dans l'économie mondialisée. » Reste à savoir comment la France de Sarkozy compte s'y prendre pour raccrocher les wagons plus concrètement qu'en s'enferrant, sur un ton moralisateur, dans des querelles idéologiques dépassées. Et ça, BHL et Guaino n'en disent rien. C'est dommage. Car à écumer les références qui vont de Desroulèdes à Maurras en passant par Houphouët Boigny et Foccard, la France qui polémique autour de Dakar semble tellement obnubilée par sa propre Histoire qu'on en vient à craindre qu'elle ne devienne une puissance du passé.


http://www.marianne2.fr/Le-discours-de- ... 80152.html
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