Démocratisation en Mauritanie : Horizon éclairci pour les Négro-Mauritaniens ?

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En 2005 un coup d’Etat renversait le colonel président Ould Taya à la tête d’une junte militaire au pouvoir depuis 1984 dans l’ancienne colonie française de Mauritanie. Un coup de force qui n’avait suscité que des réprobations de pure forme tant le régime semblait peu défendable, notamment eu égard à ce que l’on nomme couramment «le respect des droits humains et citoyens», à l’image de beaucoup trop d’autres en Afrique. La surprise est venue de la gestion de la transition, qui s’est achevée par des élections considérées par l’ensemble des observateurs supposés dignes de foi comme plutôt correctes, bien moins ostensiblement douteuses que celles de pays en processus de démocratisation en principe avancé. Et la Mauritanie, terre historique de brassages de civilisations et de cultures, de recherche hégémonique aussi, abrite des enjeux africains et afro-islamiques de la première importance, exprimés par l’âpreté de la question des Négro-Mauritaniens, populations mélanodermes encore soumise à esclavage au XXIe siècle occidental malgré trois décrets d’abolition restés lettre morte à peu de choses près.Le président de la république qui a prêté serment sur le Coran le 25 mars .

Sidi Ould Cheikh Abdallahi a donné d’emblée des signes d’ouverture sur cette épineuse et douloureuse question aux racines lointaines. En effet les accords électoraux et le soutien des membres de la communauté noire de Mauritanie, les Harratines ont permis à des Négro-Mauritaniens de conquérir des postes politiques jamais revenus à des Non-Maures. Pour la première fois un descendant d’esclaves accède à la présidence de l’Assemblé nationale, c’est le cas de Messaoud Ould Boulkheir, ancien opposant et ancien candidat à l’élection présidentielle. Un autre Négro-Mauritanien, Ba Mbaré, ancien ministre sous Ould Taya a été élu à la présidence du Sénat et Yall Zakarya se voit attribuer le ministère de l’Intérieur.

Ces nominations et élections donnent de la visibilité à cette communauté qui a régulièrement subi les violences policières et fait l’objet de soupçons récurrents de déstabilisation politiques menant à des répressions et tortures inhumaines dans les années 80-90.

La communauté des Harratines avait été très éprouvée par les violences interraciales à l’origine de l’expulsion vers le Sénégal de centaines de milliers d’entre eux en 1989. Ces réfugiés attendent toujours de retourner en Mauritanie et aucun gouvernement ne s’est empressé jusqu’ici sur ce dossier vieux d’un cinquième de siècle, l’exil d’une population vivant d’expédients n’ayant pas engendré l’intérêt régional et international que l’on aurait pu attendre de responsables politiques.

Les racines du mal se retrouvent en partie dans l’horreur du Darfour et dans les difficultés d’existence -refoulées pour beaucoup- des Noirs des pays musulmans d’Afrique à cohabitation entre Noirs et Arabes. Les populations noires ont été pendant des siècles le réservoir d’esclaves des Etats et sociétés arabes qui procédaient souvent par razzias comptables de grands et chaotiques courants migratoires vers l’Afrique centrale et australe. Le nord du Centrafrique est resté pendant longtemps prisonnier de ces bandes organisées de commerçants d’esclaves qui laissaient les villages à feu et à sac pour s’approvisionner en Noirs à esclavagiser au Soudan et ailleurs. L’esclavage des Noirs est ainsi devenu un fait normal dans les sociétés arabo-islamiques et malgré les mutations et changements vers des régimes en principe républicains, les habitudes d’asservissements ont résisté. Les expériences vécues par de nombreux étudiants et visiteurs noirs dans les pays d’Afrique du Nord corroborent l’imprégnation profonde des sociétés arabo-musulmanes de cette lecture très dépréciative des Noirs, de quelles que confessions, nationalités qu’ils soient.

D’où logiquement de profonds ressentiments visant ces cultures ancrées où la servitude des Noirs est une partie banalisée du décor socioculturel, ressentiments qui alimentent des réticences et même une hostilité à toutes les velléités de panafricanisme incluant les pays arabo-musulmans.

Reste que pour un régime politique nouvellement élu sur une rupture d’avec un passé autoritaire et de racisme d’Etat, il ne sera pas simple de faire table raz de plusieurs siècles d’un imaginaire le plus répandu dans toute une aire culturelle. L’équation sera d’autant moins triviale qu’une république islamique souhaitant affronter le préjugé racial constamment confirmé par la position des Négro-Mauritaniens au bas de l’échelle sociale, ne se hasardera pas à déconstruire brutalement une vision du Noir amalgamée pour beaucoup -y compris pour des Noirs- avec l’Islam en pratique. Le paganisme allégué, les croyances dites animistes caricaturées produisent auprès des adeptes des religions autoproclamées olympiques du monothéisme et «du Livre» des formes d’identification des figures du mal engendrant sur des fondements aussi dangereux de réelles solidarités. Les défaites des civilisations négro-africaines à l’instar du puissant royaume du Ghana détruit au XIe siècle européen par les Almoravides ont donné un arrière-fond solide aux développements de préjugés dévalorisants sur ceux qui n’étaient plus que des captifs en masse, regardés sous cette unique étiquette de vaincus politique et sociétaux .

En cela le jeu politique lorsqu’il peut se dérouler dans des conditions globalement saines, permettrait, par le biais des négociations et accords électoraux des différents candidats, de faire entrer progressivement en cité des minorités indispensables à l’élaboration de majorités électorales et de gouvernement. Les mentalités acquises aux changements démocratiques devront ainsi s’adapter à des critères nouveaux de considération de l’autre, ni coreligionnaire ni impie mais concitoyen au pouvoir de vote équivalent. Un début à confirmer par l’alliance d’actions volontaristes de type «affirmative action» avec de plus symboliques et subtiles jouant sur l’imaginaire, les valeurs nationales fédératrices.

Posté   le 23 May 2007   par   biko

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