Kedougou à feu et à sang

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Située dans le Sénégal oriental, la ville de Kédougou vit dans le désarroi depuis quelques jours. Des jeunes en quête d’un mieux être ont été tués par des militaires, ce mardi, lors de manifestations spontanées. Dans cette ville où les mines d’or, les marbres ou encore le fleuve Gambie sont perçus comme une richesse inépuisable, l’immense pauvreté des populations laisse plus d’un observateur perplexe.

(Correspondance) – Kédougou, distant de 702 km de Dakar, a connu une journée noire ce mardi. En effet, une émeute des jeunes de la ville a fait deux morts, douze blessés graves, dont huit civils et quatre gendarmes. Tôt le matin d’hier, des jeunes très en colère ont déclenché une manifestation au lycée technique industriel et minier, où ils avaient séquestré le chef des travaux. Après leur forfait, les manifestants sont descendus dans la rue pour progresser vers le centre. Ainsi, pendant quatre tours d’horloge, ces jeunes en furie, sont restés maître de la ville, en l’absence des forces de l’ordre. Dans un premier temps, les gendarmes de la compagnie tenteront de clamer les révoltés. Il y a eu des accrochages entre les hommes en bleu et les manifestants. Toutefois, au regard de leur nombre très réduit, les gendarmes étaient obligés de battre en retraite. Les jeunes, plongés dans tous leurs états, se sont attaqués aux différents services de la ville. Ainsi, ils ont mis le feu au domicile du préfet de Kédougou, et détruit des voitures de particuliers. Les locaux de la gendarmerie, de la police, de l’inspection départementale de l’éducation nationale, de la poste et de la douane ont été mis à sac.
C’est dans cette confusion qu’un jeune est tombé, tué par une balle réelle, tirée par les militaires venus prêtés main forte aux gendarmes. Le jeune Sinan Sidibé, âgé d’une vingtaine d’années a succombé à ses blessures avant son évacuation au district sanitaire de Kédougou. Cette mort est venue aggraver la situation. Le groupe de manifestants s’est alors agrandi. La tristesse se lisait sur tous les visages surtout quand il a fallu accompagner la victime à la morgue de l’hôpital de Kédougou.

Les manifestants revendiquaient, entre autres, la vente des terres aux tierces personnes qui ne sont pas d’ailleurs originaires de la région. La répartition des fonds sociaux miniers ‘qui enrichissent les parasites et les affamés au détriment des populations locales’, le manque de considération de Kédougou de la part de l’Etat. Le déficit énorme de personnels dans le domaine de la santé, de l’éducation, la souffrance des jeunes au niveau des sites miniers à la recherche de l’emploi sont autant d’arguments brandis par les jeunes pour justifier leur révolte. Aujourd’hui, ils exigent que l’usine de raffinerie de l’or et du marbre soit implantée à Kédougou et non à Dakar. Mais aussi et surtout que les 80 mille hectares de terres, attribuées à un Espagnol du nom de Raoul Barosso, par les présidents des conseils ruraux de Bandafassi, de Saraya et de Tomboronkoto, soient reconsidérés.

Dans la soirée alors que le renfort prenait possession de la ville, les réactions n’ont pas manqué au niveau du quartier Dandémayo où habite le jeune Sinan. La tristesse et la désolation se lisaient sur les visages. Aux environs de 17 heures, on annonçait le décès d’un autre enfant de 12 ans, touché par une (autre) balle. Ce qui ramène à deux le nombre de manifestants morts. Un autre enfant, de douze ans, a été touché par la balle. On apprend également que le sous-préfet de Sabodala aurait été séquestré par les jeunes de la communauté rurale de Missira Sirimana. Une situation qui peut dégénérer encore à tout moment, selon nombre d’observateurs. Selon eux, la frustration des jeunes de Kédougou est grande.

En outre, depuis plus de deux ans, les signes avant-coureurs, d’une telle manifestation, étaient perceptibles dans la région avec des différents mouvements d’humeurs. A Khossanto, par exemple, les jeunes de la localité avaient à l’époque bastonné leurs parents. ‘Parce que, disaient-ils, ces notables ne disaient pas la vérité sur l’emploi des jeunes à Sabodala’. La récente marche des étudiants, qui déploraient le manque de transparence dans la gestion des finances destinées à l’équipement de leur immeuble à Dakar, et le refus de la délégation spéciale d’attribuer cette année la subvention des élèves et étudiants de Kédougou sont aussi des données qui ont accentué la frustration.

Depuis des années, le désespoir a fait place à l’immense richesse de la terre des hommes. Kédougou était placé comme le département le plus pauvre avec 85 % de ménages pauvres alors qu’au même moment Sabodola enrichissait les dirigeants de ce pays.

Najib Sagna et Soly B. Dabo

© Copyright Walfadjiri
Posté   le 26 Dec 2008   par   biko

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