Bouba-Booba Soninké de Boulogne : Le phénomène du rap français sur orbite

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Il est devenu incontournable sur la scène du Rap hexagonal malgré des débuts plus que difficiles. Le de Boulogne est désormais considéré comme un véritable phénomène et son ascension fulgurante n’a pas encore cessé de surprendre les puristes. L’ancien membre de Lunatic est souvent incompris. Celui qui avait crié son ras le bol devant les insinuations douteuses de Thierry Ardisson est pourtant doté d’un grand cœur. Ce métis franco sénégalais est venu se ressourcer récemment au pays de ses ancêtres. A chaque fois qu’il foule le sol du Sénégal c’est en général pour participer à des actions humanitaires. L’année dernière il était venu donner un coup de mains aux enfants de l’Empire des Enfants de la dynamique Anta Mbow.
 
Cette année aussi il était annoncé pour venir en aide à une association se déployant dans ce même domaine caritatif. Pour cette semaine, le Messager vous entraine dans l’univers phénoménal et parfois virulent de ce rappeur atypique qui a réussi à s’imposer grâce à une rage de vaincre affirmée.

Une enfance difficile dans la Banlieue

de son vrai nom Elie Yaffa est un rappeur français issu de Boulogne-Billancourt dans les Hauts-de-Seine, né le jeudi 9 décembre 1976. Il utilise également les pseudonymes de ou . Avec son compère Ali issu d’Issy-les-Moulineaux, ils montent le groupe underground Lunatic avec lequel ils participent à diverses “mixtapes” et compils. En 2000, ils éditent leur seul et unique album intitulé « Mauvais Œil » sous le label “45 Scientific”. L’album est de qualité, perçu par beaucoup comme une référence du rap français. Le groupe rencontre une bonne écoute auprès du public. En 2002, signe son 1er album solo intitulé «Temps Mort», toujours chez “45 Scientific”. Cet album, avec le passage du titre «Destinée» (avec Kayna Samet) en radio, et notamment sur Skyrock (autoproclamée “1re sur le rap“…), permet à Booba de se faire connaître d’un public plus large.

Le 11 mai 2004 sort sous son propre label Tallac records, son 2nd album solo intitulé «Panthéon», double disque d’or depuis, avec des titres comme «N°10», «Avant de partir…», «Mon son», etc…Le troisième album solo de l’«Ourson», intitulé Ouest Side, est sorti le 13 février 2006. Le premier single qui en est extrait est «Garde la pêche», le deuxième est «BoulBi».Par un style extrêmement agressif, Booba parle quasi-exclusivement de lui-même à travers son œuvre ; en cela certains le considèrent comme étant de nature arrogante. Les textes de Booba sont riches en métaphores et autres techniques poétiques, conjointement avec un langage grossier qu’il utilise pour renforcer ses images. Les paroles peuvent par moment être surréalistes. Cet homme sensible qui développe cette image plus ou moins sulfureuse n’a rien d’un caïd.

Il est vrai qu’il dispose de son BEP en technique de vente, ce qui ne l’a pas empêché de faire de la prison suite à une erreur de jeunesse. Paradoxalement ces épreuves l’ont rendu plus fort et il se sert de son micro pour régler des comptes et prôner une nouvelle révolution grâce à son flow qui ne laisse personne indifférent. Cette percée fulgurante ne lui a pas fait que des amis. Mais cela ne semble pas le perturber outre mesure. Son langage cru est plus l’expression d’une certaine forme d’auto défense qu’autre chose. Celui qui a composé la musique du film T6axi 3 a fini par se faire accepter par l’intelligentsia française et les politiciens n’hésitent pas à l’encenser et même le très controversé Thierry Ardisson n’a pas pu s’empêcher de s’intéresser au Phénomène B2o.

Une fulgurante ascension source de toutes les rancœurs

De nombreux rappeurs ont écrit des clash contre Booba, notamment Gab’1, Rohff et son frère cadet Ikbal Vokal, Alibi Montana, Sefyu, Kamelancien et le pseudo-anonyme Kyzer. Ils critiquent son élocution, son goût pour les textes opaques, son arrogance (le refrain “Que le hip-hop français repose en paix” a laissé un mauvais goût dans la bouche de certains), voire même ses origines ethniques, (Mc Jean Gab’1 usa de propos ad hominem “même pas renoi (Noir) même pas Rabza (Arabe), juste un jaune d’œuf mal ssé-ca (cassé)”).

Pour le clasher, certains de ses détracteurs n’hésitent pas à tenir des propos ouvertement racistes comme décrit précédemment, critiquant la religion juive de sa mère : “MC envers toi je n’ai pas d’estime, comme la race à ta mère envers la Palestine” (A quoi bon sert, Rohff et Kamelancien). Booba a gardé des relations tendues avec son ex-partenaire Ali, qui n’a pas supporté d’avoir été trahi par un ami. Booba fait partie du 92i, regroupant des rappeurs des Hauts de Seine (92): Malekal Morte (Mala, Bram’s et Issaka). Autrefois le 92i comprenait aussi Nessbeal, Ali, Sir Doum’s. Hormis le 92i, B2O a collaboré avec de nombreux artistes, dont la Mafia K’1 Fry, 113, Kenedy, Arsenik, Intouchable, Trade Union,… Lors du Ünkut Contest à Paris, Booba, l’organisateur, a invité Diam’s Mac Tyer (Tandem), La Fouine et Rim-K (113) à composer le jury de cet événement hip-hop.

Comptent également parmi les amis du MC du 92 le rappeur américain Akon et le joueur de basket-ball Tony Parker. A l’instar de son ami Akon avec lequel il a chanté en duo, Booba est devenu en quelques temps une Star incontestée du Rap français. Elie Yafa ne doute de rien et il lui a fallu du courage et de la détermination pour en arriver là où il se trouve.

Au cours de sa première tournée au Sénégal il avait eu à nous confier avec une étonnante franchise quelques unes de ses vérités bien senties. «Ecoutez, je ne me fais aucune illusion sur ma condition de noir en France . Rien ne me sera donné. Il faudrait toujours que je fasse le maximum pour pouvoir espérer m’en sortir. J’ai du me battre pour en arriver là. Ceux qui me reproche la virulence de mes textes ne se rendent pas compte de tout ce que j’ai du endurer parce que tout simplement je suis un Noir. Je n’appelle personne à la Haine mais j’ai le plein droit de ne pas me faire d’illusion sur ma condition et mon appartenance à une communauté. Je ne fais de la morale à personne. Je ne fais qu’un constat. Eh bien si cela gêne quelques personnes ce n’est visiblement pas de ma faute », affirme le rappeur avec conviction. Celui qui refuse de se couper de ses racines a choisi le surnom de Booba pour affirmer son attachement au Sénégal car il s’agit du prénom d’un de ses cousins sénégalais (Boubacar). Pour mieux appréhender la hargne et la gagne qui animent le bonhomme il faut nécessairement se pencher sur son parcours atypique et sinueux.

Une formidable envie de s’imposer

Nous sommes en 1996, c’est “Le crime paie” sur la compilation Hostile, sorte de manifeste du rap de rue, en tout cas un vivier auquel une grande partie du rap français n’en finira pas d’immensément puiser. Booba dont les promiscuités successives avec les plus importantes formations du rap français, La Cliqua, X-men du temps de Time Bomb, le Beat de Boul, ne sont certainement pas dues au hasard, depuis ses premières compositions avec son groupe Lunatic, et avant même “Le crime paie” ou le titre “Les vrais savent” sur la compilation L432, a toujours étonnamment su faire se rejoindre la brutalité sèche du constat et un registre plus sophistiqué : une savante élaboration rythmique dans son écriture, une manière de procéder par images que même ses détracteurs ne lui enlèveraient pas.

Sans jamais verser dans aucun catéchisme quel qu’il soit, assumant un matérialisme en passe de devenir le mot d’ordre de notre société, renonçant à toute morale, Booba avance à visage découvert jusqu’à son premier album solo Temps mort en 2002, où l’espace qu’il s’est créé lui permet d’exprimer sans entrave ni inhibition l’extrême particularité de ses visions.

Aussi étrange que cela paraisse ce sont bien des visions qui portées par la musique et un flow rauque sinon rocailleux touchent d’autant plus leur but, et ce n’est certes pas l’auteur lui-même qui nous contredira, lui qui dit écrire dans une espèce de flou, de flash. Des exemples ? Qui aurait songé à voir dans le matérialisme la perspective de laisser tout en pourboire au croquemort, dans une insomnie un marchand de sable sniffant de la coke ? Pour traduire la violence de cette époque, s’imaginer un fœtus avec un calibre, ou, exposant sa difficulté à trouver le sommeil, concevoir le geste de verser sa peine et son insomnie dans la feuille à rouler ? Tel est bien Booba, lui qui se veut la tornade de Boulogne, un créateur d’images mystérieuses qui s’incrustent en nous, s’incisent, collant à nos rétines, un auteur dont la force première est d’abord de nous parler plus que de lui : à partir de lui et de son vécu.

Pour preuve, avec l’album Panthéon, Booba installé en solo innove avec la création d’un territoire fantasmatique “Tallac”, comme si la singularité de sa langue nécessitait parallèlement un lieu qui lui fût propre. Après avoir enchaîné en indépendant rien moins que deux disques d’or, Mauvais œil avec Lunatic et Temps mort son premier solo, un single “Destinée” lui assure enfin des passages radio et un titre sur la bande originale de Taxi 3 renforce sa notoriété. La notoriété ? Disons le vœu de la société d’enfouir et masquer la singularité de l’individu derrière une série d’ennuis divers avec la justice de Booba à la une alors que le silence est de mise lorsqu’il s’agit de sa musique dans les médias.

On comprend son désir d’exil à “Tallac” et quoique le rappeur demeure un ardent représentant des Hauts-de-Seine, quoique ni sa mélancolie spécifique ni sa sombre brutalité dans l’exposition des faits n’aient été altérées sur ce nouvel album, nous retrouvons ce sentiment clair de triomphe qui leur fait opposition et contribue à la force des disques de Booba. On n’intitule pas pour rien son disque Panthéon. Comme Jean Genet, Booba aurait pu dire : “ma victoire est verbale”.

Un phénomène qui prend son envol avec son troisième album Ouest Side

Booba n’a jamais caché son intention de heurter, voire de blesser certains. Il s’inspire beaucoup du Rap américain du moins au niveau de la calligraphie et du port vestimentaire. Dans son dernier album titré Ouest Side la calligraphie utilisée est directement inspirée du titre West Side Story ce fameux film culte des années soixante dix .Dans des titres comme le single Boulbi le rappeur ne se gène pas pour utiliser des termes orduriers. Au montage du clip certains passages ont été coupés pour éviter de heurter les âmes sensibles.

Le racisme n’est pas absent de là au niveau de la thématique du rappeur. Ce traumatisme récurent est omniprésent dans le parler tranchant du garçon de Boulogne. Sans broncher il ose se rappeler dans le titre Je me souviens, de «  l’époque où les négros n’étaient pas à la mode … avant Michael Jackson… Parait qu’on puait, parait qu’on était pauvre.» Le ton est tranchant, le lyrisme exacerbé et la diction fatale, Booba aime provoquer ses pairs. Il les avertit dans le titre Garder la pèche en évoquant le trou de la serrure dans laquelle il fut enfermé pour avoir dévié du droit chemin. Il avait vingt ans et cela l’a marqué pour toujours. Il en profite pour inciter ses potes des temps durs de ne pas lâcher le morceau.

Cette manière de faire a le don de plaire au public qui adhère sans retenue à son invite au dépassement. L’album se vend rapidement et en un temps record il atteint les sommets des charts. Booba devient le plus grand vendeur de disques du rap Français. Il écoule des centaines de milliers de disques. Booba gagne du galon et la Nouvelle Revue Française encense le travail sémantique de l’artiste. Sans tambours, ni trompette, Booba franchit les obstacles. Les médiats s’intéressant à lui et il continue de faire la une des grands journaux. Elie est devenu une star et il fait de l’argent.

L’ancien survivant du rap est paradoxalement devenu riche. Son contrat juteux avec Barclay- Universal en est certainement pour quelque chose. Tony Parker en fait son invité de marque au moment de sa sélection au premier All Star Game NBA. A l’occasion l’enfant de Boulogne côtoie la crème du show bis américain en évoluant à côté de Beyonce Jay Z et d’autres célébrités du même acabit. Malgré tout ce succès, il avoue être séduit par la chaleur africaine et compte beaucoup se déployer pour apporter quelque chose à son pays d’origine. A chaque fois que le besoin se fera sentir, il répondra présent à l’appel de la mère patrie. Décidément l’ancien mauvais garçon a fait du chemin et son parcours constitue la meilleure des cartes de visites.

Le Messager

Posté   le 20 Nov 2006   par   doudou

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