En Afrique, la presse incendie la France

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Vue d’Afrique, au nord comme au sud du Sahara, la révolte des banlieues se lit comme un échec : celui de l’intégration des deuxième et troisième générations d’immigrés. Dans la presse francophone des ex-colonies, on ne mâche pas ses mots. Pour la Nouvelle Expression du Cameroun, la France a perdu son âme républicaine en fermant la porte aux étrangers, ceux du dehors comme ceux du dedans. «Le fait que deux incidents majeurs se soient produits de manière presque simultanée, comme le rapatriement au Maroc des candidats à l’immigration en Europe avec comme destinée principale la France, et la révolte des jeunes Français issus, comme on le dit pudiquement, de l’immigration, procède des deux faces d’une même médaille», écrit une éditorialiste du journal dans son article titré : «France : les fissures de la république !» De plus, continue-t-elle, «il y a un lien entre la difficulté d’intégration des populations « issues de l’immigration » dans ces Républiques qui se servirent de leurs grands-pères et pères, soit comme chairs à canon soit comme ouvriers participant au développement de l’industrie automobile, et l’autre relégation qui consiste à condamner à l’immigration clandestine ceux et celles qui rêvent de l’Ailleurs, comme une terre de salut. La théorie de la tolérance zéro de Nicolas Sarkozy (…) conduit la France au bord de l’explosion.» Le quotidien algérien El-Watan s’indigne tout autant. Dans ses pages «Débat», un avocat, auteur de Mémoires d’immigrés, attaque sans ménagement Nicolas Sarkozy, héritier selon lui d’une droite colonialiste et xénophobe. «Hier encore, on appelait leurs parents « bougnoules » ; aujourd’hui, on les qualifie de « racaille » de banlieue (…). Hier encore, on nettoyait au napalm dans certaines colonies ; aujourd’hui, on veut les nettoyer au Kärcher. Mais enfin, est-ce bien là l’Etat de droit, patrie des droits de l’homme et de la démocratie auxquels les jeunes des banlieues ont tant cru ?»

Et l’auteur de pester contre les accointances de la droite avec les idées lepénistes et contre les lâchetés de la gauche au pouvoir. «Devrait-on alors parler de discrimination d’Etat ? Car enfin, qu’est-ce à dire que traiter les gens de « racaille », dont beaucoup vivent dans les banlieues françaises ? Citoyens de ce pays, ils y sont nés, y ont étudié, y paient leurs impôts et règlent leurs cotisations ; ils sont citoyens de ce pays depuis maintenant plusieurs générations. Leurs parents en exil ont dépensé leurs plus belles années pour défendre et aider à construire la France d’aujourd’hui ; ils se trouvent dépouillés du plus élémentaire droit de vote aux municipales tant promis par une gauche qui s’est reniée depuis, laissant le soin à une certaine droite de reprendre démagogiquement cette question.» D’autres journaux africains gardent un ton plus neutre vis-à-vis d’un gouvernement ami. Le Quotidien de Tunis revient sur cinquante ans d’histoire de l’immigration en France. «C’est dans une souffrance intolérable que vit l’immigré. Une souffrance dont le pouvoir politique, en France et aussi ailleurs en Europe, n’a pas mesuré la gravité. Et qu’il découvre aujourd’hui brutalement et frontalement», regrette le commentateur.

En Côte-d’Ivoire, autre son de cloche. La France n’est plus en odeur de sainteté au pays de Laurent Gbagbo et l’occasion est belle. «Rébellion française», titrait lundi le très pro-gouvernemental quotidien Notre Voie, plutôt moqueur : «Voilà donc la grande France confrontée à une rébellion de fils d’immigrés qui refusent de discuter avec Sarkozy, mais accepteraient volontiers Villepin. Et si la Côte-d’Ivoire leur proposait gracieusement une table ronde à Grand-Bassam, une banlieue abidjanaise ?» Référence moqueuse aux négociations de paix entre Ivoiriens tenues en 2003, à Linas-Marcoussis en banlieue parisienne, à l’instigation de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères.

Posté   le 16 Aug 2007   par   biko

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