F CFA: La réforme se pose avec accuité

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Pour les uns, « changer les règles, c’est risquer de faire éclater le système », pour les autres, une réforme-même du système permettrait d’encaisser en temps réel les pertes de compétitivité, évitant ainsi que l’on attende des décennies pour recourir à une dévaluation massive. En attendant, c’est toujours le statu quo. On l’aura compris, le système monétaire en vigueur dans la zone CFA basé sur la parité fixe du franc CFA à l’Euro, la monnaie européenne, en inquiète plus d’un à la faveur de son actualité brûlante. Mercredi 19 septembre 2007, la monnaie européenne a atteint un nouveau record absolu face au billet vert qui a perdu près de 40% de sa valeur, à 1,3879 dollar, dépassant son précédent plus haut de 1,3852 dollar qui datait du 24 juillet. Hier jeudi, voilà que l’Euro a frôlé la barre de 1,41 dollar.

La surélévation constatée depuis quelques années maintenant de la monnaie européenne entraînant de facto celle du franc CFA, le taux de change fixe entre le CFA et l’euro présente un inconvénient majeur : le CFA a tendance à s’apprécier artificiellement vis-à-vis des grandes devises. Ceci suscite dès lors un commentaire : « ce n’est pas bon pour les affaires ! ». Les affaires pour qui ? pour les pays de la zone franc, pardi. Parmi eux, le Sénégal où, dans les milieux économiques, on a toujours craint un Euro fort en dépit de la garantie de convertibilité du franc CFA dans toutes les monnaies étrangères que son arrimage à la monnaie européenne lui confère.

Il se trouve que la compétitivité des produits de la zone CFA est au niveau le plus bas, depuis des années, du fait de la surélévation de l’Euro. La situation est telle, que des rumeurs et autres appréhensions d’une deuxième dévaluation du franc CFA viennent alimenter le débat. Celui-ci est d’autant plus intéressant qu’il est apparu que ce n’est pas une énième dévaluation qui va régler le problème. La question est jusqu’à quel niveau peut-on dévaluer une monnaie, quand on sait que le franc CFA a déjà perdu 50% de sa valeur lors d’une première dévaluation opérée en 1994, qui ruina les fonctionnaires même si elle permit aux économies de la zone de sortir de la récession ?

La solution, dans le contexte actuel, semble donc être dans une réforme du système monétaire qui reviendrait à indexer le franc CFA à un panier de devises internationales. En somme, un système de flexibilité monétaire plutôt qu’une parité fixe, comme c’est le cas du franc CFA. Un tel système permettrait d’encaisser en temps réel les pertes de compétitivité de nos économies.

On a souvent évoqué les avantages, certains, d’un régime de change fixe et à travers l’arrimage du CFA à l’Euro, on peut rappeler que cela a, entre autres, permis de contrôler l’inflation, en plus du fait qu’à la faveur de ce cordon ombilical, la France apporte un soutien budgétaire aux pays de la zone en cas de crise budgétaire majeure. Cependant, cela pose également le problème des inconvénients d’un système de changes fixes. A ce niveau, il convient de préciser d’abord que dans un régime de changes fixes, il n’est pas exclu de rattacher la monnaie domestique à un panier de devises. Le problème principal, ici, c’est donc bien le caractère figé de la parité. Les politiques monétaires des pays concernés comme le Sénégal sont moins libres ; les réserves internationales de devises du pays doivent être importantes ; les politiques de rééquilibrage des balances des paiements s’appuient sur des pratiques nationales inflationnistes ou déflationnistes, affectant la politique de tarification dans ce pays ; les taux de change peuvent être maintenus à des niveaux incompatibles avec la situation économique et amener l’Etat à une crise financière comparable à celle que les pays asiatiques ont connue en 1997.

A contrario, dans un régime de changes flexibles qui, il faut bien le souligner n’est pas dénué d’inconvénients parmi lesquels une volatilité plus grande des cours de change qui peut avoir une influence négative sur le commerce international ; la devise du pays peut inspirer moins confiance qu’une devise à taux de changes fixes, etc… il est permis un ajustement plus rapide aux chocs externes puisque l’ajustement est constant ; les politiques monétaire et fiscale des pays peuvent être plus flexibles ; les Banques Centrales n’ont plus besoin de conserver des réserves importantes de devises pour défendre le cours de la monnaie. Dans un système de change à taux de change flexibles, les taux de change fluctuent librement en fonction du libre jeu de l’offre et de la demande ou, à tout le moins, ils fluctuent dans les limites de marges fort larges. Les banques centrales peuvent en effet être amenées à intervenir dans le cadre de fluctuations trop importantes. Aussi, l’inconvénient majeur d’un tel système c’est qu’il n’entraîne pas forcément une certaine discipline dans les politiques internes appliquées par les gouvernements.

Ce qui revient à dire que,si une réforme du système monétaire de la zone franc qui regroupe 14 pays africains autour de deux banques centrales – BEAC (Afrique centrale) et BCEAO (Afrique de l’Ouest) – sous la tutelle de la France, se pose avec acuité à travers une section du cordon ombilical qui lie la France à la zone à travers la monnaie CFA, il demeure que ces pays ne peuvent échapper au fait qu’une monnaie ne peut assurer à elle seule le développement qui dépend surtout de la bonne gouvernance et d’une gestion économique de qualité.

Toujours est-il que, dans le contexte actuel, les exportations des pays de la zone franc s’abîment puisque les produits provenant de la zone CFA sont 40 % plus chers. Conjuguez cette hausse de prix avec les subventions astronomiques versées aux agriculteurs des pays riches, et ce sont des millions de ruraux de la zone CFA qui sont en danger. Dans l’équation de la croissance, l’exportation apparaît ainsi comme une variable si importante que les pays riches ont créé des banques pour appuyer les leurs.

Par ailleurs, les importations, qui favorisent le chômage dans la zone CFA en contribuant au marché de l’emploi des concurrents, augmentent considérablement et bien plus que les exportaions. Les marchés sont inondés par ces produits moins chers, et puisque tout d’un coup tous les importateurs veulent ces produits dans notre marché, la demande pour la production monte et de facto des emplois considérables sont créés dans les pays asiatiques, par exemple, au lieu du Sénégal.

SOMBEL FAYE

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Posté   le 23 Sep 2007   par   biko

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