Dossier : Le célibat des jeunes soninkés : La faute à qui ? Parents et jeunes aux bancs des accusés !

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Le mariage chez les Soninkés est le baromètre de la responsabilité. Il matérialise le passage à l’âge adulte. Il fait partie des fondements de la société . C’est le trait d’union entre les familles, les clans, les villages…Les parents accordent une importance capitale à cet acte surrérogatoire. Quiconque retarde cette échéance, qu’il soit homme ou femme, s’expose à tas de préjugés pour ne pas dire à une ribambelle de quolibets. Les filles sont les plus exposées. Autrefois, chez les Soninkés, les filles se mariaient très tôt. Il était très rare de voir des filles célibataires d’une vingtaine d’années. Beaucoup de filles se mariaient au crépuscule de leur puberté. Ce qui nous amène à nous poser la question suivante : Y a-t-il un âge pour se marier chez les Soninkés ? Nous répondrons par l’affirmative car dans la conscience collectiveSoninkéd’antan, toute jeune fille qui n’avait pas de fiancé ou de mari avant la vingtaine d’années était considérée comme «inintéressante»

Trivialement, on dit en Soninké  » A sonto «  ce qui veut dire: « N’intéresse personne ». Les filles craignaient ce « sobriquet ». Ainsi, les parents mettaient tous les atouts de leur côté pour que leurs filles soient repérées par les «gendres idéaux » du village ou de la contrée.

Par ailleurs, un jeune homme qui n’avait pas de «fiancée » ou de « femme » à l’aube de sa 25ème année attirait également toutes les attentions. Il était très souvent pointé du doigt, une façon de mettre en exergue son incapacité à « se pendre » par couardise. Se marier tôt est très recommandé dans la société soninké pour plusieurs raisons : fondation d’une famille, avoir une progéniture capable de prendre le relais des parents à un certain âge, décharger les parents de certaines tâches…

La bonne éducation dans tous les sens du terme était l’une des principales conditions pour trouver très vite « chaussure à son pied ». Le mariage n’est pas uniquement une union entre un homme et une femme mais une alliance et un engagement entre deux familles, deux clans, deux villages Soninkés, deux régions soninkés ( Guidimakha, Hayré, Gajdiaga, Diafounou, Kaarta, Soroma…Des deux côtés, on passait au crible la fille ou le garçon susceptible de rejoindre sa famille d’une manière ou d’une autre. Son éducation, sa « sociabilité », son capital « patience », son sens du respect, la notoriété de sa famille étaient des notions très importantes pour chacune des futures parties contractantes. Chaque famille se renseignait sur l’autre pour éviter un mauvais « casting ». Ainsi, dès qu’une fille était réputée « sérieuse » ou « bien éduquée », les demandes en mariage atterrissaient tous les jours sur le « tapis de prière » de son père. A cette époque, le physique n’était pas la chose la plus importante. On accordait plus d’intérêt à la réputation des familles, à leur façon d’éduquer… On étudiait très sérieusement le profil des mères de familles car comme le dit l’adage « telle mère, telle fille ». Une hyperbole qui avait tout son sens lors des choix. En effet, les filles dont les mères étaient réputées « méchantes », de « moeurs légères » ou « matérialistes » étaient souvent ignorées sur conseil des familles.

C’est dire que le mariage était un sujet très sérieux pour les familles. C’était l’affaire de tous : père, mère, tantes, oncles, frères. Chacun s’intéressait au cas de son fils, neveu et frère célibataire. Ils faisaient des prières de consultation pour appuyer ou dissuader le choix de leur progéniture.

Le monde Soninké d’aujourd’hui a opéré une mue. Le mariage est devenu de plus en plus une affaire personnelle. Les mentalités ont évolué. Ces trois dernières décennies sont marquées par une augmentation exponentielle du célibat dans le monde Soninké. Que l’on soit Soninké du Mali, du Sénégal, de la Mauritanie ou de la Gambie, on sent une nette décélération des demandes en mariage dans la communauté soninké. Le célibat est alors devenu une gangrène dans «Soninkara » ( communauté soninké). Les filles ne sont pas les seules concernées. Du coté des hommes, on trouve de plus en plus de trentenaires et de quarantenaires célibataires à ne pas confondre avec les «divorcés ». En effet, nous parlons dans notre propos des hommes qui n’ont jamais contracté un mariage de leur vie. Notre analyse concerne aussi bien les filles que les garçons. On a tendance à pointer le célibat des filles Soninkés dans notre communauté en occultant celui des hommes. C’est le moment de clarifier également notre exposé sur le thème suivant: « Le célibat chez les jeunes soninkés : La faute à qui ? Parents et jeunes aux bancs des accusés ! ».

Ce sujet a ainsi fait l’objet d’une émission radio sur la très réputée «Radio Web de Soninkara.com », précisément dans l’émission « Leminaxu bera » du 29 mars 2015 qui passe à 21 heures. Il était question de donner la parole aux jeunes et aux parents pour situer les responsabilités des uns et des autres sur ce nouveau phénomène qui touche la communauté Soninkée dans son ensemble. Les Soninkés du monde entier sont intervenus au cours de cette émission dominicale pour éclairer la lanterne du monde soninké sur le célibat actuel des jeunes soninkés, tous sexes confondus.

Dès l’entame de notre propos, il était nécessaire de circonscrire le débat pour éviter les éventuelles digressions des uns et des autres. Ainsi, la question qui fût posée ainsi à nos internautes est : « le célibat chez les jeunes soninkés : La faute à qui ? Parents et jeunes aux bancs des accusés! ».

En tant qu’animateur, il a fallu d’abord sérier les causes du célibat des deux côtés c’est à dire chez les hommes et chez les femmes afin de mieux étayer nos propos. Chez les hommes, il est clair que l’âge moyen du mariage a fortement augmenté. De plus en plus de jeunes Soninkés s’auto-infligent des conditions préalables avant de parler de mariage. Une prise de conscience qui découle de plusieurs facteurs. Les rapports entre parents et enfants ont sensiblement changé. Avant, les parents mettaient à contribution leurs moyens financiers et humains pour trouver une femme à leur fils. Beaucoup de pères de familles imposaient des femmes à leur progéniture pour diverses raisons. Il peut s’agir d’une jeune cousine, d’une voisine très « cotée » à la «bourse sociale » du village. Le mariage était tributaire de l’âge. Avoir un travail ou des revenus importait peu. « Nous travaillons la terre et nous tirons notre subsistance de nos exploitations agricoles et des métiers manuels » disent certains Soninkés. Chaque homme de la famille mettait à contribution ses revenus financiers et agricoles pour la subsistance de la famille. Parce que les charges familiales étaient amoindries par un tel système de solidarité, les jeunes hommes étaient encouragés à se marier car la famille aidait beaucoup dans l’entretien et le bien-être de la nouvelle mariée. C’est l’époque du respect légendaire et de l’allégeance sans faille aux ainés. Les pères se respectaient mutuellement. Les décisions des plus âgés étaient respectées scrupuleusement. Nul ne se rebellait contre leurs décisions car les normes sociales imposaient un mode de «suivisme». C’était le patriarcat. La progéniture ne dérogeait pas à cette règle. C’est ainsi qu’on se mariait très jeune pour « décharger » une mère, une tante des corvées de la maison : cuisine, linge, entretien de la maison. Il faut noter que chez les Soninkés, dès qu’un garçon se marie, sa mère est automatiquement déchargée de tous les travaux quotidiens de la maison.

Malheureusement, de nos jours, les jeunes, en très grande majorité, ne se retrouvent plus dans ce système. Le droit d’ainesse n’est plus respecté. Le « fabaremaxu» ( Rivalité entre frères de même père ) a pris le dessous sur la coexistence pacifique d’une autre époque avec la bénédiction des mères de famille. Ainsi, nul jeune n’imagine prendre sa femme avec l’aide de son père ou de son frère ainé de peur d’être pris en otage « psychologiquement » à l’avenir. En effet, plusieurs pères de famille ou grands frères n’hésitent plus à humilier leurs fils et frères à la moindre occasion en évoquant une ancienne vie « d’assisté ». Ainsi des propos du genre «n’eut-été moi », tu n’aurais jamais eu de femme, «grâce à moi » tu as eu une femme, deviennent une épée de Damoclès au-dessus de la tête des jeunes. Une façon de ridiculiser ou de maintenir les jeunes sous domination. Une sorte de chantage qui ne dit pas son nom. C’est la raison pour laquelle, plusieurs jeunes attendent d’avoir un travail ou des économies conséquentes de nos jours avant de parler de mariage. Ainsi, beaucoup attendent une probable émigration vers des cieux cléments ( Europe, USA, Chine…) avant tout projet de mariage. C’est devenu une règle dans le monde Soninké. On émigre, on se fait des économies puis on retourne au village pour se marier. Malheureusement, beaucoup attendent longtemps avant d’avoir l’opportunité d’émigrer vers l’Europe ou les USA. Aussi, dans les pays d’immigration, «l’écueil des papiers» pour travailler ou retourner au pays diffère plus d’un projet de mariage. Beaucoup de jeunes soninkés ont passé une dizaine d’années avant de retourner au pays faute de papiers. Ainsi, ils prennent de l’âge. Sachant que les filles qu’ils aimeraient épouser sont souvent les premiers choix d’autres jeunes hommes du village ou des villages environnants, beaucoup seraient «doublés» au sprint final. Alors, commence une longue traversée du désert pour trouver son «choix». Des hommes resteront longtemps célibataires. On dénombre de plus en plus d’hommes Soninkés d’une quarantaine d’années n’ayant jamais contracté de mariage.

Du coté des femmes, la cause principale réside au niveau de l’embarras du choix. Elles mettent très souvent la barre très haute quand elles sont jeunes, «pulpeuses» et «pimpantes». Elles idéalisent le mariage au point de croire à l’existence du prince charmant.

Dans la société Soninké, les demandes en mariage sont formulées le plus souvent aux parents par l’intermédiaire de la famille de l’homme. Ainsi, selon l’esprit d’ouverture des parents, ils demandent à la fille son avis avant toute acceptation ou rejet de la demande de mariage. A leur jeune âge, beaucoup de jeunes filles rejettent les demandes en mariage à cause du physique du prétendant. Elles ont souvent le choix difficile. La beauté, la taille, le tour de taille sont des éléments très importants pour les filles à leur jeune âge. Par manque de maturité, elles mettent ces paramètres en avant en occultant les valeurs humaines de l’homme comme le sens du respect, de la discrétion, de la responsabilité. Elles rêvent du prince charmant des contes populaires et «zappent» le « Mamadou charmant » de la réalité.

Dans les pays d’origine, d’autres considérations entrent en jeu. Les filles attendent désespérément le «le vaniteux émigré» et négligent le «vaillant cultivateur/artisan local». On donne la primauté des choix aux « Safarana» ( migrants). La majorité des filles souhaitent convoler en noces avec un «émigré» dans l’espoir de le rejoindre dans le pays d’immigration. Au pire, elles vivront dans une opulence certaine car les émigrés les traitent « royalement » : argent, biens mobiliers et immobiliers, parures, habits de luxe… Il suffit de faire un tour dans les villages soninkés ou dans les capitales comme Dakar, Bamako, Nouakchott pour se rendre compte du train de vie luxueux des femmes d’émigrés. Leurs appartements et autres logements n’ont rien à envier au décor des résidences européennes. Mieux, par le truchement du mariage, beaucoup de filles vivront dans les capitales avec la bénédiction de leurs maris émigrés loin des contraintes sociales et familiales du village. Une vie de rêve ! Ainsi, dans la quête du mari émigré, les rangs se «serrent». Il n’y a pas de place pour tout le monde. Comme dans un casting de Miss Soninkés, beaucoup seront recalées pour des raisons de « plastique » ou de « prestance ». Beaucoup prendront finalement de l’âge et deviendront des choix par défaut. De l’autre côté, les locaux ayant essuyé plusieurs refus de ces «chasseuses d’émigrés » « se rebelleront» à défaut de se résigner. Ils iront chercher leurs femmes dans les villages environnants ou lointains au détriment de leurs cousines, voisines et proches du même village.

Dans les capitales africaines, les jeunes Soninkés, ayant longtemps cohabités avec d’autres communautés comme les Wolofs, les Bambaras voire les Peuls se marient de plus en plus avec leurs filles. Un brassage culturel très utile à l’intégration des peuples mais fatale pour les jeunes filles soninkées. En effet, un « Dramane » qui se marie avec une « N’deye Penda » ou une «Fanta ni» est un prétendant en moins à la porte de « Diambéré Khoumba ». Ce phénomène a pris de l’ampleur car beaucoup de jeunes Soninkés ont vécu pendant des années dans les capitales africaines en quête de « visa » pour l’Europe, l’Afrique centrale, les USA. Beaucoup seraient charmés par les femmes de la capitale et ne jureraient que par leur noms. Il faut avouer que ces femmes ont un potentiel hors norme car ayant appris des «astuces» pouvant faire tomber « la ceinture de tout homme » ayant le patronyme « Nianghané » ou «Traoré». Réputées plus extraverties dans l’intimité des chambres « maritales », elles feront chavirer le cœur de plusieurs « Gajagankés» et de « Hayrankés» ( Soninke du Sénégal et de la Mauritanie). En effet, il se dit dans certains cercles masculins que les « filles soninkées» sont trop « introverties» car éduquées dans le culte de la honte et du trop-plein de pudeur contrairement aux femmes d’autres cultures.

Par ailleurs, les femmes des capitales ont également opéré une mutation. Elles sont devenues de véritables «prédatrices » d’émigrés Soninkés, réputés généreux avec les femmes. Tout cela concourut à augmenter le célibat des jeunes femmes Soninkés des pays d’origine. A cela, il faut ajouter le recul du «mariage forcé» dans nos contrées qui laissa plus de liberté aux filles de choisir leurs maris. Plus de liberté veut dire plus de temps. Aussi, de plus en plus de filles sont scolarisées dans nos pays d’origine. Elles poursuivent souvent de longues années qui relèguent le mariage au second plan au profit des diplômes. L’école octroie une certaine liberté et un «billet» vers l’indépendance financière et intellectuelle. Les filles Soninkées sont tournées de plus en plus vers l’Université, les écoles de formation pour tirer leur épingle du jeu. Ceci retarde leur mariage. Malgré les idées reçues des parents et de la société, de plus en plus de filles Soninkées restent scolarisées jusqu’à l’obtention de diplômes grâce à l’appui de parents «avisés» et des campagnes de sensibilisation sur les avantages de la scolarisation des filles.

Dans les pays d’immigration, le célibat des jeunes filles Soninkées s’explique par les réalités du pays d’accueil. Les filles grandissent dans une culture qui prône l’indépendance à tout point de vue. Dans le cas de la France, la priorité est donnée aux études et au travail. Ces dernières années, une grande partie des filles mettent entre parenthèse tout projet de mariage avant d’avoir décroché un diplôme professionnel ou universitaire, clef de réussite dans le monde du travail. Le travail leur permet de s’affranchir du «machisme» des hommes Soninkés. Elles retardent l’échéance du mariage pour faire de bonnes études afin de trouver plus tard un bon travail qui confère un statut «très respectable» dans le futur foyer. Il est devenu inconcevable pour les jeunes filles soninkées de se marier à un âge très jeune ( fourchette 18 à 25 ans ). Pour certaines filles, le mariage est tributaire du diplôme et du travail. Les parents soninkés, devenus de véritables chasseurs de primes, les encouragent dans cette direction. On est plus à l’époque des «pères fouettards» mais des «papas poules», soucieux de l’avenir de leurs enfants tous sexes confondus. Ainsi, il n’est plus choquant de voir une fille d’un âge avancé «25 à plus de 30 ans» sans mari dans la diaspora soninkée. Quand elles sont confrontées à des parents «rigoureux» ou «sévères» leur chantant à chaque occasion leur condition de «célibataire endurcie», elles s’émancipent en prenant leurs appartements dans une ville voisine ou lointaine. Un moyen d’échapper aux remarques désobligeantes des parents et d’autres membres de la famille. Certaines d’entre elles entreront en rébellion contre la société soninkée, réputée archaïque, pour aller vivre tout simplement en concubinage avec l’élu de leurs cœurs sans passer par le «tintamarre du mariage Soninké».

L’autre facteur qui favorise le «célibat des jeunes filles dans la diaspora» est l’embarras du choix. En effet, elles sont encore plus compliquées que leurs «cousines» du pays. Si pour les filles du pays, épouser un émigré suffit à leur bonheur, c’est tout le contraire des filles soninkées de la diaspora. Elles sont trop portées sur le «physique». Au moment de choisir, elles passent au peigne fin le prétendant telles des «recruteuses» d’une «réputée» agence de mannequinat du 16èm arrondissement de Paris ou des beaux quartiers de New york. Pour certaines filles, une certaine taille est requise pour avoir les faveurs de leur «pronostic». Quand le «feeling» ne passe pas, le prétendant a mille chances d’être la risée lors de leurs banquets entre copines. Elles sont capables même de sortir des sobriquets pour tourner en bourrique les prétendants insistants. «Grolard», «gros porc», «Kirikou», «Le cheum…», «blédien» sont autant de surnoms qui colleront à la peau des prétendants. Ces derniers se succèdent. Plusieurs seront mis dans la «corbeille sentimentale» selon le délire du moment ou l’âge de la fille. Malheureusement, ces filles seront plus tard rattrapées par l’horloge biologique. Comme les Soninkés disent « Il ne faut jamais laisser sauver le poisson dans ses mains pour celui bloqué sous son pied». On risque de perdre « au change» à tous les coups. Plusieurs filles soninkées de la diaspora sont tombées dans ce piège. A un certain âge, les demandes deviennent rares si elles ne deviennent pas tout simplement inintéressantes. Deux solutions s’offriront à elles : perdurer dans le célibat ou prendre un prétendant par défaut pour ne pas finir « vieille fille». C’est ainsi qu’on voit des filles se marier avec un homme qu’elles avaient déconseillé  à une copine ou une cousine pour diverses raisons. Les contextes changent.

Après avoir passé l’examen du «faciès» vient l’épineuse question des papiers. Ayant longtemps vu leurs grandes sœurs «blasées» par les frères soninkés «sans papiers» ou «importés du village», plusieurs jeunes filles soninkées sont entrées en rébellion contre les «blédards». En effet, plusieurs jeunes soninkés « sans-papiers» ou « importés du village» ont jeté le discrédit sur tous les blédards. Ils sont vus comme des « opportunistes» , des «profiteurs », des experts du « double-jeu» par les filles de la diaspora soninkée. Ils sont dociles, serviables, «crèmes» pour reprendre les termes des filles avant d’empocher le fameux sésame à savoir le « titre de séjour ». Une fois leur situation régularisée, ils plaqueront leurs femmes pour aller épouser la fille de leur rêve au pays. Plusieurs filles furent victimes de ce type de blédards sans foi ni loi. Ainsi, se marier avec un blédard «sans papiers » ou « importé» devient très risqué. Elles ne savent plus à quel «blédard» se fier surtout que les proches de ces hommes ne se gênent point pour dire de manière éhontée: « Marie-toi avec une fille d’ici pour avoir les papiers». Elles refusent de plus en plus d’être des «ascenseurs sociaux» pour leurs cousins du bled. Elles se plaignent également de certains hommes soninkés devenus «fainéants». Plusieurs jeunes se vautrent à longueur de journée dans des canapés dont ils ignorent la provenance sans aucun projet de vie, avec comme principale activité «Zapper, toujours zapper, encore zapper la télé ». Certains ont même le culot d’exiger un abonnement Canal+ ou Bein Sport pour mieux prendre leurs aises. Ce type d’homme a largement contribué à décrédibiliser le «Soninkaxu» qui est une somme de valeurs intrinsèques. Ainsi, le mariage devient un enfer pour les filles Soninkées. Informées de ce type d’agissement, les petites sœurs opteront sans hésitation pour le célibat. Au moins, elles restent libres comme l’air et ne seront pas réduites à la servitude d’un «goujat».

Quand elles prennent leur courage à deux mains pour accepter une demande en mariage d’un «blédard sans papier», les copines et les sœurs remuent terre et ciel pour casser la dynamique en évoquant mille et un exemples qui feront reculer plus d’une. Ainsi, certaines brandiront la carte «Mieux vaut vivre seule que d’être mal accompagnée». Indépendantes, «aisées» financièrement, battantes, les filles échappent à tout contrôle. Le temps des mariages forcés étant révolus, elles perdurent dans le célibat sans gêne. Plus tard, elles se réfugieront dans la religion pour exorciser leurs mauvais penchants.

Nos auditeurs ont pointé également du doigt une autre cause du célibat des jeunes Soninkés à savoir les hiérarchisations sociales. La société soninkée obéit à des normes sociales datant de plusieurs siècles. C’est une société hiérarchisée où chaque famille est rattachée à une catégorie sociale. On dénombre parmi eux les «Horos» ( Nobles), les «Komos» ( esclaves), les Tagos ( forgerons), les «Garankos» ( cordonniers), les Jarus ( Griots ) et autres démembrements… Malgré l’ancrage, des soninkés dans la religion musulmane, les hiérarchies sociales continuent d’exister. Un privilège pour certaines familles, une contrainte pour d’autres familles. Si dans la vie quotidienne, ces «carcans» sociaux ont explosé, elles pointent le bout de leur nez lors des demandes en mariage. Les soninkés sont très attachés à leur statut social. Certaines familles préfèrent renier leurs fils que de les laisser prendre une fille d’une catégorie sociale différente de la leur. Malgré les prêches de plusieurs érudits soninkés comme Madiakho Tandjigora ou Almamy Baradji sur la question, les Soninkés restent farouchement attachés à ces classes sociales. Que les parents soient «Hoorés», «Tago», « Garankés», ils ne dérogent pas à la règle. Ils refusent le «mélange des genres». Leurs enfants, ayant grandi dans un environnement aux antipodes de ces considérations sociales, voient très souvent leur projet de mariage vouer à l’échec par la seule volonté de leurs parents. Très souvent, il n’y a pas une grande marge de manœuvre. Soit, on se plie à la décision des parents, soit on coupe radicalement le cordon ombilical pour suivre l’élu ( e ) de son cœur. Plusieurs célibataires, filles comme garçons, furent confrontés à ce phénomène de classe sociale. Dégoutés, ils ou elles mettront beaucoup d’années à panser les plaies d’une rupture sentimentale. Ainsi, les années passent et ils perdurent dans leur célibat sans réelle volonté de se marier car les choix de leurs parents sont très souvent «refusés». Naîtra une guerre sans fin car chaque partie voudra imposer son choix à défaut de venger un refus antérieur. Paradoxalement, certains préfèrent même donner leur fille à un arabe ou un français du «front national» que de la marier à un «Soninké» au nom de la différence de catégorie sociale.  C’est dire que les hierarchies sociales ont la peau dure chez les Soninkés.

En plus de ces hiérarchies sociales, il faut prendre en compte également le problème des contrées d’origine. Les Soninkés que l’on rencontre dans l’immigration viennent de contrées différentes et de divers pays. Au Sénégal, on trouve des régions Soninkés comme Gajaaga ( de Bakel à ), Hayré ( de Dembakani jusqu’au Fouta ). En Mauritanie, on y trouve également plusieurs régions soninkées comme le « Guidimakha», le « Hayré»…Au Mali, on dénombre plus de cinq régions à savoir Djafounou, Soroma, Kaarta, Lambidou, Guidimé, Khaniaga…Chaque Soninké est foncièrement attaché à sa contrée d’origine. Les Soninkés partagent la même langue, les mêmes us et coutumes. Malgré tout, au moment du mariage, ils se refusent des demandes pour plusieurs raisons. Souvent, on refuse la demande de mariage parce qu’on connait peu la contrée d’origine du prétendant. Dès fois, c’est la « lointaineté» qui pose problème pour ne pas dire simplement le pays d’origine. Le Sénégalais pense être mieux «civilisé» que le Malien. Le Mauritanien pense être «mieux né» que le Sénégalais, et vice versa… Des considérations moyenâgeuses qui polluent le subconscient des parents. Plusieurs jeunes sont ainsi pris en otage au moment de choisir leur futur épouse. Il faudra ajouter à cela l’endogamie chez les Soninkés. Le Soninké cherche d’abord sa femme dans son cercle familial. S’il ne trouve pas, il s’intéresse à son voisinage. S’il ne trouve pas son choix, il élargit sa zone de recherche en incorporant son village et les villages environnants. Plus tard, il se contentera de trouver une fille Soninkée tout simplement qu’importe la contrée d’origine. Ainsi, s’amouracher d’un ivoirien, d’un congolais, d’un antillais, d’un marocain ou d’un algérien est suicidaire pour une fille soninkée car les parents délivreront sans doute une fin de non-recevoir à défaut de renier à vie leur fils ou fille pour avoir osé amener un non-soninké à la maison. Tout ceci concourt à maintenir les jeunes soninkés dans le célibat.

Les esprits malicieux diront certainement:«Ben, elles peuvent opter pour la polygamie». Ce mot pique et hérisse les poils des filles soninkées . Que l’on soit née au pays ou dans la diaspora, la polygamie est «foncièrement» détestée pour plusieurs raisons. Les uns évoquent leur passé douloureux d’enfant polygame, les autres pointent du doigt l’incapacité des hommes à être équitables entre les femmes. Si au pays, les femmes pleurent en silence dans leur foyer polygame, dans la diaspora, elles changent tout simplement la serrure de l’appartement. Plusieurs hommes soninkés ayant contractés un autre mariage ont été tout bonnement «répudiés» par leurs femmes. Incroyable ! me dira-t-on. Depuis quand les femmes répudient ? Depuis que l’homme Soninké a échangé son pantalon contre un pagne au gré des réalités des pays d’immigration. Les femmes marient et répudient quand elles veulent comme elles veulent. Cela ne choque plus personne. Selon certains auditeurs, «telle mère, telle fille». Plusieurs filles nées dans la diaspora ne copient que leurs mères. Plusieurs femmes venues grâce au regroupement familial ont retournées «leur veste» pour faire vivre l’enfer aux hommes. Ainsi, il n’est pas surprenant que des filles reproduisent le même schéma avec leurs maris. C’est une évidence.

Aussi, les comportements des « belles mères » dans l’immigration «handicapent» leurs filles. Très intrusives par moment, elles s’immiscent dans le mariage de leurs filles au point d’irriter considérablement leurs beaux fils. Elles veulent à tout prix contrôler le foyer de leurs filles. Des intrusions «parentales» ont brisé plusieurs ménages. Par voie de conséquence, plusieurs familles déconseillent de «marier» les filles de ce type de femmes. Le monde soninké est trop «petit ». Il y a toujours quelqu’un qui connait quelqu’un d’une quelconque famille ou d’un quelconque village. Donc, les familles sont continuellement «inspectées», «passées au crible», «épiées » par leurs voisins et proches soninkés du quartier, du même village. C’est ainsi que des familles s’investissent pour contrôler les fréquentations de leur progéniture pour éviter les mauvaises réputations. En effet, au moment des demandes en mariage, les copies doivent être propres des deux cotés.

En somme, le monde soninké connait un fort taux de célibat ces dernières années. Les raisons sont multiples et variées. Parents et enfants ont chacun leur part de responsabilité. Pour inverser cette courbe, il faudra opérer des changements profonds dans les mentalités et les comportements. Les parents doivent mettre en avant le bonheur de leurs enfants en s’éloignant des considérations sociologiques d’un autre temps. Quant aux enfants, ils doivent prôner le dialogue pour faire adhérer les parents à leur cause. Comme le dit l’adage : « Un oeuf ne joue pas avec un caillou. Quand il tombe sur le caillou, il se brise. Quand le caillou tombe sur lui, il se brise également». L’enfant symbolise l’oeuf, le caillou le père ou la mère.

Source : Bakelinfo/Samba Fodé KOITA 

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