Une journée au musée national du Mali

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Confronté, comme beaucoup d’établissements africains, à la délicate question du retour des œuvres se trouvant dans les pays du Nord, le Musée national du Mali inscrit cette interrogation dans une perspective plus large qui inclut la lutte contre le pillage et le trafic illicite des biens culturels.
 
Au pied de la colline qui abrite le palais présidentiel de Bamako, se dresse le Musée national du Mali. Dans le jardin qui l’entoure, des oiseaux peu farouches côtoient les visiteurs du musée qui se prélassent sur le gazon. Des flashs crépitent. Un couple d’Espagnols immortalise son passage. Plus loin, deux jeunes Australiens viennent de terminer la visite. Photo souvenir encore.

«Entre 20 000 et 25 000 personnes visitent notre musée chaque année. Elles viennent de partout dans le monde», explique Samuel Sidibé, directeur du Musée National du Mali depuis… vingt ans. L’homme, c’est connu, passe plus de temps dans son bureau encombré de paperasses que chez lui. Il reçoit le visiteur un sandwich à la main. «Son» musée s’appelait autrefois Musée soudanais de Bamako. Après l’indépendance du Mali, en 1960, il est devenu le «Musée national». Depuis, l’établissement a prospéré. Son budget de fonctionnement est passé de 9 millions de francs CFA en 1992, à près de 350 millions aujourd’hui. Quant aux collections du musée, elles sont estimées à près de 7000 pièces.

Dans une salle baptisée «Le Mali millénaire», l’histoire de l’occupation humaine, de l’évolution des techniques, des pratiques culturelles, et de l’apparition des villes, et des échanges commerciaux du Mali s’y raconte à travers une série d’objets : disques, poinçons, haches, enclumes et autres marteaux. Ces outils en fer et en laiton montrent que les hommes maîtrisaient le fer bien avant le 13e siècle.

L’affaire de la statuette

Dans cette même salle, se dresse une statuette en terre cuite. Pas n’importe quelle statuette. Sur son socle en plexiglas figurent ces mots : « Don de Monsieur Jacques Chirac, président de la République Française-1997 ». Ce don a une histoire. A l’occasion d’un de ses anniversaires, le président français, grand amateur d’art africain, a reçu cette pièce. Après enquête de la presse, il est apparu qu’elle provenait de fouilles clandestines effectuées au Mali. L’affaire a fait grand bruit. Le président Chirac a alors décidé d’en faire don au Musée national du Mali. Un retour à la case de départ en somme, qui illustre toute la délicate question du retour des œuvres d’art africain qui se trouvent dans les musées occidentaux.

« Le pillage de notre passé culturel est une question sans fin. Je crois qu’il faut se battre sur plusieurs fronts en demandant le retour définitif de nos œuvres, des retours momentanés pour des expositions et en luttant contre le pillage », explique Samuel Sidibé. L’homme sait de quoi il parle : son établissement a reçu en 2006 le prix Prince Claus, une récompense décernée à des personnes ou des institutions qui luttent contre le trafic de biens culturels. Il est à l’origine d’un système d’autorisation d’exportations de tous les objets culturels qui sortent du pays au départ de l’aéroport de Bamako au Mali. Pour mener le combat sur une plus grande échelle, il prône aussi le développement d’un partenariat au niveau régional, pour coordonner la lutte grâce à des brigades de vigilances installées dans les villages et sites où se déroulent les fouilles.

Lutte globale

Pour Samuel Sidibé, l’UNESCO a un rôle « central » à jouer dans la lutte contre le pillage des œuvres d’art et pour le retour de ces œuvres. « Une simple lettre adressée à un musée européen pour le retour d’une œuvre d’art, ne peut pas résoudre le problème. La lutte doit être globale. L’implication plus active de l’UNESCO dans la bataille est nécessaire », ajoute-t-il.

Au-delà de cette bataille de longue haleine pour le retour des pièces se trouvant dans des musées du Nord, Samuel Sidibé plaide aussi pour que son musée demeure un lieu vivant. Dans la salle consacrée aux textiles du Mali, les vêtements traditionnels jouxtent des tenues modernes en cotonnade comme le « bogolan », qui est aujourd’hui en Afrique de l’ouest et même en Europe, le symbole de l’identité malienne.

Lieu de foisonnement de cultures, le musée de Bamako est également un lieu de foisonnement d’activités. Son directeur invite les visiteurs à assister aux « jeudis musicaux ». Chaque jeudi, dans l’enceinte du musée, un musicien se produit devrant près d’un millier de personnes. Programmes de projection de film, défilés de mode, de stylistes, également au musée. « La culture n’est pas quelque chose de statique, mais de dynamique », termine Samuel Sidibé.

Posté   le 22 Apr 2007   par   biko

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