Quand le Mali offre la source du Jazz à une Américaine

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Dee Dee Brigewater

Dee Dee Brigewater

Disons le tout de go et passons à la suite plus passionnante ! , pour le grand public du nom de son premier mari, éminente chanteuse de jazz, n’est pas vraiment de la trempe afrocentrique d’une Nina Simone dont elle reprend avec sensibilité pourtant le très écorché «Four women». Alors qu’une certaine tradition du Jazz depuis les Duke Ellington et jusqu’aux Steve Coleman en passant par John Coltrane s’est employée à refaire physiquement ou musicalement le voyage initiatique vers l’Afrique des sources, et bien que vivant à Paris, y côtoyant nombre de musiciens africains à l’instar du bassistissime Etienne Mbappe, la native de Memphis dans le Tennessee s’était toujours voulue plutôt colored, noire américaine.Un peu comme bien des Africains Américains -pas tous heureusement- qui se préfèrent souvent des origines indiennes que la génétique a le chic de mettre en déroute …Bref si l’on était mauvaise langue on ferait un lien entre les récents déboires commerciaux des albums de la chanteuse aux deux grammy awards et sa soudaine quête d’africanité, démarche qu’elle revendique pour son Malian project.

Celle qui naquit sur les rives du mythique Mississipi en 1950 s’en est allée en 2004 du côté d’un autre fleuve, tout aussi chargé d’histoire, de civilisations, le fleuve Niger. Là elle s’immergea dans ces terres rouges qui lui parlèrent tant de son enfance américaine. Le contact électrique avec les racines rassurantes conduisit la chanteuse de jazz, jetée dans un ailleurs d’elle-même, une forme d’aboutissement de soi, à envisager de graver un album témoin à la couleur de la terre rouge là-bas taquinée.

«Red Earth A Malian Journey» naissait ainsi sous la houlette de musiciens maliens au talent reconnu et non moins époustouflants ici et sur maints autres concepts, dirigés par sa diligence Cheick Tidiane Seck. La vieille tradition mandingue excipe ses koras, ses balafons, ses ngoni, tambours parleurs, flûte peule, touts flambants à la rencontre de ces expressions dont elle est l’histoire primordiale, le jazz.

Un vrai ravissement auditif sinon plus, un joyau. Afro Blue de Mongo Santamaria revisité, un excellent Bad spirits, Mama don’t ever go away, Footprings de Wayne Shorter respecté, Four women de Nina Simone d’un rendu majestueux et émouvant. Rendu à la hauteur de l’ensemble Red Earth où chaque titre décline une parcelle de vérité du projet, humain, détachant une couche subtile de cette terre rouge des Partants et des Revenants.

Le studio Bogolan de Bamako n’aura pas fait mentir sa réputation. Et les voix d’Oumou Sangaré, de Mama Keita se filant autour et avec celle de Dee Dee Bridgewater fonctionnent dans l’ordre de la petite merveille. Lansiné Kouyaté (balafon), Toumani Diabaté (kora), Baba Sissoko(tamani, ngoni), Aly Wagué (flûte), Kabiné Kouyaté introduisent, infiltrent ou intronisent le mandingue derrière les claviers de Cheick Tidiane Seck et les bases de trio de la chanteuse, Ira Coleman à la contrebasse, Minino Garay aux drums, Edsel Gomez au piano.

Merci les racines d’avoir sauvé d’un jazz un peu décoloré une grande artiste authentique et polyvalente qui avait bien besoin de se retrouver en ses profondeurs, et qui n’aura pas fait le déplacement malien pour le roi de Prusse, mais pour la Grande Porte du son.
 
Posté   le 22 Apr 2007   par   biko

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