Immigration – Kadiatou Diabira, une femme en or

Google+ Pinterest LinkedIn Tumblr +

Kadiatou a 46 ans. Elle est divorcée et mère de trois enfants. Chaque journée qui commence est un marathon pour elle. Il faut la suivre pour y croire. La Pépinière Matis, dans le 19e arrondissement de Paris, où elle assure une permanence trois jours par semaine, est un lieu d’accueil pour les associations et les habitants munis d’un projet pour Orgues de Flandres, Curial, Cambrai et Alphonse Karr, des quartiers 19e arrondissement de Paris. L’association de Kadiatou, Entraide et espoir, y est domiciliée. Thierry, l’agent d’accueil et de médiation, connaît très bien Kadiatou (à gauche sur la photo), Kadi pour son entourage : « C’est un truc de malade, quand les gens ne la trouvent pas ici, ils disent « Bon ben, je vais aller chez elle ». »

Trois personnes l’attendent déjà dans le hall. La permanence commence avec M. . Il travaille auprès des familles qui font appel à lui quand elles rencontrent des problèmes d’autorité avec leurs enfants. Il est accompagné de Madame Sako, traductrice de langue africaine. Elle parle toutes les langues de l’Afrique subsaharienne : le , le malinké, le diaranké et le .

Kadiatou m’explique le but de sa collaboration avec M. Timera : « Nous voulons transmettre le savoir-vivre en société aux enfants nés ici et qui ont tendance à se laisser glisser dans la nature, parce qu’ils n’ont pas de repères. Les enfants ont une culture de la famille qui n’est pas celle qu’ils trouvent en sortant de chez eux. Ils n’ont pas d’identité solide. Nous voulons leur apprendre à conjuguer et composer avec ces deux civilisations, celle léguée par leur famille et celle de la société française dans son ensemble. »

 » M. Timera est là pour que je l’aide à trouver un local, poursuit Kadiatou. Il veut aussi être déclaré en emploi de médiateur. Il a déjà commencé à intervenir dans les familles en tant que médiateur formateur. Il connaît les coutumes ancestrales de l’Afrique qu’il veut faire découvrir à nos enfants ainsi qu’aux Européens de souche. Je pense que ce sera plus facile pour lui d’obtenir un local que d’être déclaré en emploi de médiateur. Je vais voir avec Cédric, de l’association Projet19, s’il peut l’orienter. »

Kadi saisit le téléphone. Elle obtient un rendez-vous à M. Timera pour le 23 octobre. Rapide en besogne ! « J’essaie tout de suite de trouver un interlocuteur pour les personnes qui s’adressent à moi. » Kadi, si efficace, tellement indispensable, a posé sa candidature en 2006 pour poste d’ « adulte relais » au sein de la préfecture. Celle-ci l’a acceptée. Elle y est « chargée de médiation et d’accompagnement ». La majorité des adhérents de son association sont à 80% des Africains, les 20 autres pour-cent sont des Maghrébins et des Antillais.

« Les gens viennent me voir pour que je les aide à rédiger des lettres ou à entreprendre des démarches administratives, de type conseils juridiques, régularisation de papiers ou renouvellement de titres de séjours. Quand je m’y mets, je suis le dossier jusqu’à son aboutissement. Aujourd’hui, j’ai accompagné une personne qui a « obligation de quitter le territoire » à la préfecture. Il a eu de la chance, son rendez vous été reporté. »

Son association tente de sensibiliser les plus jeunes aux risques liés au Sida et aux MST, organise également des sorties à la mer, à « Paris by Night », ainsi que des après-midis entre femmes. « Notre but est d’améliorer le lien social et le bien vivre ensemble, car nous avons constaté que beaucoup de gens sont isolés. Avec les jeunes ados de 12 à 18 ans, nous avons mis en place un projet intitulé « inter culturalité » dont le propos est « la culture de mon pays d’origine ». »

Je repasse un autre jour à la permanence de Kadiatou. Ilhem Bejaoui, une bénévole, juriste de formation, s’affaire à regrouper les pièces d’un dossier de refus de régularisation éparpillées sur un coin de bureau. « Pourtant, dit-elle, le cas de cette famille obéit aux critères de la circulaire Sarkozy du 13 juin 2006. En plus, elle peut justifier de plus de 10 ans de résidence sur le sol français. Cette fois-ci le dossier sera envoyé à la Ligue des droits de l’homme. »

Un véritable travail à la chaîne pour Kadiatou Diabira. « J’ai reçu 17 messages sur mon portable entre 9 heures et 11heures, je les écouterai plus tard, là je n’ai pas le temps. Hier soir j’en avais 33. » La présidente de l’association Entraide et espoir est en train de taper un CV pour Mme Guedrogo, qui souhaite postuler au « 104 », le nouvel établissement artistique de la rue d’Aubervilliers, tout proche. Le « 104 » recrute. Mme Guedrogo craint que les emplois de femmes de ménage ne soient donnés à des personnes qui n’habitent pas le quartier. Kadi, le téléphone rivé à l’oreille, tente de joindre le directeur du « 104 ». Elle se veut rassurante : « Nous nous battrons pour que les femmes de notre quartier y obtiennent en priorité un emploi, car le 104 est dans notre quartier. » Mme Guedoro ajoute : « Mon mari est malade, on n’arrive plus à payer la maison, il me faut ce travail ! »

Il est 11h30, trois personnes attendent encore dans le hall, Kadi a rendez vous à la mairie à midi… « Il faut recruter d’autres personnes pour m’aider à gérer cette montagne de demandes. Ça ne finit jamais. » Le soir, lorsqu’elle rentre chez elle, épuisée, c’est toujours le même rituel : « Je trempe mes pieds dans l’eau chaude et je pense que chaque fois qu’une bonne chose arrive, ça me donne envie de continuer. Mais lorsque je n’obtiens pas gain de cause pour ceux qui s’adressent à moi, je me dis que fatiguée ou pas, je ne dois pas m’arrêter sur des résultats négatifs. il faut persévérer. »

Kadiatou Diabira et son association Entraide et espoir font partie des richesses du 19e arrondissement de Paris. Kadi et son équipe de bénévoles sont devenus indispensables pour beaucoup des habitants nécessiteux des cités Curial et Cambrai.

Nadia Méhouri
Source: Bondy Blog

Posté   le 12 Nov 2008   par   doudou

Share.

About Author

Comments are closed.