La face cachée de l’or malien

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L’or a fait la grandeur de l’Empire du Mali. Mais, si nous n’y prenons garde, l’exploitation aurifère va faire la décadence de notre pays à cause de la négligence du péril socio environnemental dans la politique minière. Que restera aux populations voisines des mines d’or quand les gisements vont tarir ? La misère et des catastrophes sanitaires.

« Sanun ko balaw ka can » ou « l’or n’est jamais sans pro­blèmes » ! C’est ce que disaient les vieux sages du Bouré. Avec les nouveaux gisements (Loulo, , Tabakoto…) le Mali est en passe de devenir le 2e pays producteur d’or d’Afrique devant le Ghana et derrière l’Afrique du Sud. De quoi normalement réjouir les Maliens. Erreur ! D’abord parce que, contrairement aux dis­cours rassurants tenus çà ou là, l’ ne brille pas pour tout le monde.
Toujours est-il que la produc­tion d’or est en forte croissance au Mali où te métal jaune a ravi la vedette au coton en devenant le principal produit d’exportation. Dans un pays toujours classé dans les profondeurs de l’Indicateur de développement humain et dont 90,6 % de la popu­lation vit avec moins de 2 dollars par jour, il est difficile d’ignorer l’attrait de la filière aurifère ou son importance dans l’économie nationale.

La découverte de grands gise­ments de classe internationale comme ceux de Sadiola, Morila, Yatéla, Loulo… a relancé l’explo­ration et l’exploitation aurifères au Mali, dans les années 1990. Avec une production estimée à plus de 70 tonnes par an, l’exploitation de l’or est devenue la principale source de devises du pays.

Comme le souligne Oxfam America dans son rapport intitulé, « Extractive Sectors and the Poor » (Le secteur extractif et les pauvres), la vitalité de l’exploita­tion minière est rarement synony­me de bien-être socioéconomique. L’exploitation minière a un impact relatif sur l’économie natio­nale malienne et sur les commu­nautés locales.

Mais, ce qui nous intéresse réellement comme la société civi­le, c’est de voir si les ressources minières contribuent de manière plus efficace au progrès socio-économique. Malheureusement, dans la plupart des cas, cet espoir ne s’est pas réalisé. Malgré les immenses richesses minières, les indicateurs sociaux révèlent que les conditions de vie des popula­tions ne se sont jamais amélio­rées comme on le souhaite. Pis, rien ne garantie que les maigres acquis ne vont pas aussitôt s’ef­fondrer après la cessation des activités minières comme on l’a vu à et à Syama.

Des préalables à satisfaire

Pour inverser cette tendance, Oxfam a fait dans son rapport des recommandations inspirées des enseignements tirés de la gestion calamiteuse de la mine de Syama de 1990 à 2001. D’abord malgré les reformes mise en œuvre, le cadre juridique et réglementaire malien relatif à l’activité minière doit être renforcé pour une meilleure protection de l’environ­nement et la promotion des retombées pour le développe­ment local.

La réduction de la pauvreté au niveau local doit constituer une priorité de la politique minière de l’Etat. Le gouvernement malien doit aussi élaborer un Code envi­ronnemental national spécifique­ment adapté aux projets miniers à grande échelle. Le respect de ce Code doit avoir force de loi et des mécanismes doivent être mis en place pour son application effecti­ve. Il doit comporter des disposi­tions applicables prévoyant les conséquences légales et finan­cières d’une dégradation de l’en­vironnement. La Société financiè­re internationale (SFI) doit encou­rager ce processus.

Le gouvernement malien doit également procéder à une réfor­me de son système de contrôle environnemental et social afin de réduire les conflits d’intérêts intrin­sèques qui ne manquent pas de surgir lorsqu’un gouvernement est à la fois partenaire financier d’un investissement minier et respon­sable de la promotion de l’inves­tissement minier national en même temps que de la surveillan­ce de la performance environne­mentale et socioéconomique.

Dans la plupart des cas, le gouvernement malien se retrouve à la fois juge et partie. Tout comme des changements structu­raux comparables doivent être intro­duits au sein de la SFI pour prévenir les partis pris naturels qui surgissent lorsque celle-ci est censée diriger la mise en place de normes environ­nementales, mais pourrait bien tirer profit de l’opération.

Il est aussi recommandé de mettre en place ou de renforcer les dispositifs favorisant la partici­pation de la communauté à la prise de décision relative à l’ex­ploitation minière. La capacité des communautés locales à participer de manière consciente à ces dis­positifs doit être renforcée. Tous les acteurs (le gouvernement malien, la société minière ainsi que les organisations de la socié­té civile) doivent prendre des mesures spécifiques garantissant la prise en compte des groupes marginalisés (les femmes, les jeunes et les personnes âgées) dans la prise de décision et dans la distribution des retombées de la mine.

L’accès aux informations

II est aussi souhaitable de ren­forcer le degré de transparence et d’accès des communautés concernées aux documents rela­tifs aux impacts socio-écono­miques et environnementaux des projets miniers. Les rapports envi­ronnementaux et socio-écono­miques des mines du Mali doivent être mis à la disposition du public et des agences gouvernemen­tales et ce en français, en anglais et si possible dans les langues nationales. Un dialogue multilaté­ral impliquant la société civile, les populations concernées, le gou­vernement et la société minière doit être instauré en vue d’élabo­rer des recommandations permet­tant de résoudre les problèmes liés à l’exploitation minière.

Le gouvernement malien doit réellement établir un mécanisme transparent et participatif, garan­tissant la gestion et la distribution des revenus miniers aux communautés touchées par l’activité extractive. Les nouveaux sites miniers doivent tous être tenus de préparer un document complet d’évaluation environnementale (EE), conforme aux normes inter­nationales.

Dans le cadre de la prépara­tion de ce document, la situation de référence avant l’exploitation de la mine, du point de vue social et environnemental, doit être quantitativement définie.

Avant l’approbation du projet, le document d’évaluation environ­nementale ainsi que le projet pro­posé doivent être évalués par une partie ou une équipe indépendan­te. Les fonds nécessaires à cette évaluation indépendante doivent être fournis par l’initiateur du pro­jet. Toutefois, la société concer­née n’aura aucun contrôle finan­cier ou politique sur le choix des personnes chargées de l’évalua­tion, l’orientation de leur travail, leurs conclusions ou leurs hono­raires.

Etant donné la rapide crois­sance que connaît le secteur auri­fère, les enseignements tirés de l’expérience de certaines mines comme Syama doivent être appli­qués à d’autres projets miniers. L’exemple de cette mine permet en effet d’identifier les véritables tensions ainsi que les impacts négatifs que l’exploitation aurifère peut engendrer, mais aussi, de trouver des stratégies visant à atténuer ces effets négatifs ainsi que des exemples positifs à suivre.

Hélas, les décideurs sont le plus souvent plus regardants sur l’apport immédiat au Trésor public que les conséquences de l’exploi­tation minière à long terme.

Posté   le 06 Apr 2007   par   biko

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