Le milliardaire Soninké Kalidou Wagué de Bokidiawé dans le Fouta

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Ce bonhomme pèse presque… 20 milliards de francs Cfa de chiffre d’affaires. A 40 ans, Kalidou Wagué reste un opérateur économique prospère et réputé. Mais, l’appel de la prospérité vient de très loin. Echappé de Bokidiawé (région de Matam), il a accompli son destin à Pointe noire et à Brazzaville. Au Congo où  la stabilité dépend des humeurs d’une seule personne, l’accomplissement de Kalidou Wagué relève évidemment d’une success story. C’est souvent dans l’aventure que naissent ces destins. Il est convenu que sans rudesse, on n’est pas grand-chose et sans détermination, on n’est rien du tout. Lui a conjugué sa vie à l’accompli loin de ses terres natales où il est un quasi-anonyme. Pourtant, sa réputation fait l’unanimité dans son cercle d’amis apéristes qui s’étale de Podor à Bakel, où son influence est acceptée par tous.

Opérateur économique prospère au Congo, ses entreprises emploient 800 personnes avec une masse salariale de près de 80 millions. Il décharge plus de 1000 conteneurs par an dans le port de Pointe Noire. Marié à deux épouses, il pouvait continuer à mener tranquillement sa vie loin des remous politiques. «Certains ont dit que je suis fou quand j’ai décidé de m’engager. Mais, je veux participer au développement de mon pays», sourit-il avant de caresser sa bedaine dissimulée dans une chemise carrelée. Après avoir arrêté ses études au Ce1, sa trajectoire est un roman de vie. Il l’écrit sous un chantier niché sur l’avenue Lamine Guèye. Kalidou Wagué parle de ses relations avec Macky Sall, de ses ambitions pour le Sénégal et de son business congolais avec… des propos recueillis en Pulaar.

 Comment peut-on vous présenter ?

Je suis évidemment un jeune sénégalais et opérateur économique installé au Congo Brazzaville. J’ai émigré dans ce pays entre 1996 et 1997 où je gère mes affaires. Je travaille dans la manutention, l’import-export, le Btp et l’agro-alimentaire es­sentiellement. J’emploie 800 personnes entre Pointe noire et Braz­zaville. Ce sont des maçons, des mécaniciens, des peintres. Aujourd’­hui, ce sont mes frères qui sont en train de gérer ça depuis que je suis ici.

 Un étranger qui débarque au Congo dont la stabilité est souvent volatile. Comment avez-vous pu réussir à implanter votre business sans problème ?

Je n’ai jamais eu de problèmes dans ce pays parce que mon travail est licite. C’est un travail légal qui crée des emplois et participe au développement du Congo. Il ne peut pas y avoir de problèmes particuliers à travers mes activités. Sur ce point, je vous rassure : Il n’y a rien à signaler parce que tout marche convenablement.

 Etes-vous rentré définitivement au Sénégal ?

Non ! Car, je retourne au Congo pour régler des problèmes ponctuels avant de rentrer. Je suis davantage au Sénégal même si je pars de temps en temps en France, au Maroc ou dans d’autres pays pour régler des affaires avant de revenir au Sénégal. Je ne peux plus durer à l’étranger. Je suis en train de réfléchir pour implanter mes activités chez nous afin créer des emplois. Il faut que nos jeunes aient du travail. Il faut les aider à trouver du travail en investissant chez nous. Je pense implanter mes activités congolaises au Sénégal en investissant dans l’agro-alimentaire, l’import-export, le Btp ou la manutention. Il faut des initiatives pour sortir le pays du chômage. Je suis sur cette voie et je pense concrétiser ces projets très rapidement.

Ce sont des projets ambitieux. En avez-vous parlé au président de la République ?   

Non ! Parce que le chef de l’Etat est là juste depuis sept mois. Pour l’instant, il a des urgences à régler. Il faut lui laisser le temps de résoudre les problèmes des Sénégalais avant de penser à autre chose. Pour l’instant, je ne l’ai pas sollicité pour ce projet.

 Que représente pour vous justement le chef de l’Etat ?

C’est mon leader politique. En plus, il est notre chef de l’Etat. Il est le Président tous les Sénégalais. J’ai beaucoup d’estime et de respect pour lui. Nous avons une confiance totale en lui parce que nous sommes sûrs qu’il va mener ce pays-là à bon port. Nous sommes sûrs qu’il va développer ce pays. C’est pour ça que nous sommes derrière lui, nous cheminons avec lui de la façon la plus honnête et la plus sincère et surtout désintéressée. Je ne suis pas un politicien, mais je soutiens le chef de l’Etat dans ses missions. Je me suis mis à son service de façon désintéressée. C’est tout !

 Qu’est-ce-qui vous a justement poussé à soutenir le chef de l’Etat alors que vous auriez pu continuer à gérer votre business ?

C’est simple ! Quand le chef de l’Etat est venu à Pointe noire (2008), il nous a expliqué les raisons de son engagement politique, ses ambitions pour le Sénégal et pour la région du Fleuve. Sur le champ, on a tous été enthousiasmés par son discours et son honnêteté. Nous avons adhéré à son combat après l’injustice qu’il a subie (Ndlr : les conditions de son départ du Pds). Nous lui avons accordé notre soutien total en mettant nos moyens, nos connaissances à la disposition de ce parti pour remporter ce challenge. Pour nous, il n’était plus question désormais de laisser le Sénégal entre uniquement les mains des politiciens. Je viens d’une région où il n’y a pratiquement rien. Pas de routes, pas d’investissements, l’Etat est presque absent de la région de Matam. Ce sont les émigrés qui ont construit les écoles, les hôpitaux, les forages. Ils ont implanté les réseaux électriques. Nous voulions que ça change. C’est pour cette raison que nous nous sommes entièrement impliqués pour faire triompher le programme de Macky Sall. Nous sommes partis voir nos parents pour les sensibiliser, leur montrer les enjeux de son combat. Toutes les populations ont adhéré. Dans une région où il y a plein de dinosaures politiques, ce n’était pas gagné d’avance. Mais, nous étions avec les populations avant ce nouveau challenge parce que nous avions quand même fait des investissements dans nos localités. Elles ont facilement adhéré à notre discours. Nous avions sillonné tous les villages pour les sensibiliser de l’opportunité de faire élire Macky Sall. Nous avons fait des campagnes de proximité pendant plusieurs mois. Et il a remporté haut la main la Présidentielle.

 En s’engageant avec Macky Sall, vous lui avez sans doute posé de conditions ?  

Nous ne lui avons posé aucune condition. Il  nous a expliqué les raisons de son engagement politique, nous avons tout de suite adhéré. Pourtant, Abdoulaye Wade était venu nous séduire aussi à Pointe noire. Mais, je n’ai jamais eu confiance en lui. Il a sollicité notre soutien, mais j’ai refusé. Macky Sall connaît nos ambitions pour la région de Matam. Nous lui avons dit que nous voulons avoir des routes de très bonne qualité, des hôpitaux de référence,  des lycées d’excellence et une université. Nous voulons aussi que l’Etat investisse dans l’agriculture parce que nous avons des terres et de l’eau en abondance. L’Etat doit aussi nous accompagner parce que les émigrés ne peuvent pas tout faire. Il faut que l’Etat développe aussi le Fouta. C’est tout ce que nous demandons à l’Etat. Il est là seulement depuis six mois mais, les infrastructures routières sortent de terre.  C’est un bon signe.

 Quelles relations entretenez-vous directement avec le chef de l’Etat ?

Nous avons juste des relations empreintes de cordialité et de res­pect. C’est une personne qui respecte sa parole.  Il a soutenu qu’il va faire un mandat de 5 ans alors que la loi lui permet de faire 7 ans. Voilà un homme qui donne des signes de vertu qui nous rassurent sur l’avenir. C’est pour ça que je suis toujours derrière lui. Si j’ai envie de le voir, je demande une audience parce que c’est un chef d’Etat. Malgré toutes les relations que nous pouvons entretenir, je ne peux pas débarquer comme je veux dans son bureau. Nous parlons du chef de l’Etat.

Votre proximité avec le chef de l’Etat est réelle. Vous ne pouvez pas voyager avec lui à Kin­shasa, Abidjan et Bruxelles sans être admis dans son intimité ?  

(Sourire). Je venais de Kinshasa et nous sommes rentrés ensemble. On discute mais, cela ne veut pas dire que je peux débarquer comme je veux dans son bureau. Nous avons des relations très professionnelles, honnêtes et sincères. Je ne l’ai pas aidé. Je l’ai fait pour moi parce que mon engagement auprès du Président est sincère et désintéressé.

 Ne jouez-vous pas le rôle d’entremetteur auprès du chef de l’Etat pour certaines personnalités ?

Non ! C’est lui qui est élu,  il a le suffrage des Sénégalais. Je n’assure aucun rôle d’entremetteur auprès du chef de l’Etat pour des nominations. Je n’ai pas ce pouvoir et je ne le ferai pas. Je ne  suis pas un conseiller occulte pour lui suggérer des noms pour certains postes. Evidemment, j’aurais été heureux qu’on nomme des proches au niveau de certains postes. Mais, ce n’est pas à moi de lui dire de nommer une quelconque personne. Sur ce point, je veux être très clair : je n’ai pas ce pouvoir. Nous nous sommes tous battus pour que le Président accède à sa fonction actuelle, mais nous ne demandons pas à être rétribués en conséquence. D’ailleurs, nous devons même nous excuser auprès de lui. Parce que nous l’avons mis dans cette posture avec ce que cela comporte comme charges et contraintes. Nous devons donc rester humbles et l’appuyer pour qu’il réussisse son mandat au lieu de lui mettre la pression.  Il ne nous doit rien.

 Après le remaniement, certains jeunes de Matam ont vivement réagi pour dénoncer l’absence d’un cadre de la région dans le gouvernement après le départ de Abou Lô…

Je l’ai entendu mais, je pense que le Sénégal est plus important que la région de Matam. Il est élu pour diriger le Sénégal et non pour gérer les intérêts d’une quelconque région. Mamadou Talla (ministre de la For­mation professionnelle, de l’Ap­pren­tissage et de l’Artisanat) vient de la région de Matam. Mais, ce n’est pas le plus important. Les Sénégalais ont élu Macky Sall pour amorcer la rupture et annoncer des changements. Cette affaire de régionalisme doit disparaître avec la chute du régime de Wade qui a posé un débat éthniciste. De toute façon, il n’a rien fait pour tout le Fouta. Je ne veux pas que le débat ethnique ou régionaliste soit posé pour justifier une nomination ou pour en réclamer. De mon côté, les enjeux sont clairs : je suis derrière lui jusqu’à ce qu’il quitte ses fonctions présidentielles. Si c’est un mandat, je vais m’en arrêter là. S’il obtient un second mandat, je vais continuer  à cheminer avec lui sans condition.

Personnellement, vous n’avez aucune ambition ?

Je ne veux aucun poste. Je n’exige rien. Où pourrai-je le servir ? Je suis bien là où je suis. Je n’attends rien du chef de l’Etat en termes de poste ou de rétribution. Je me suis engagé à ses côtés pour l’amour de notre Patrie qui avait besoin d’un nouveau souffle avec un dirigeant intègre, accessible et simple. Et le Président Macky Sall l’incarne parfaitement. Tout ce qui m’intéresse, c’est le développement du Sénégal. J’ai les idées et je vais mettre mes moyens à la disposition du pays parce que nous avons aussi besoin d’une race de dirigeants et de citoyens capables de sortir le pays de sa situation actuelle. Voilà mes ambitions pour mon pays. Pour moi, les postes politiques sont de moindre importance. Il faut développer ce pays pour permettre aux nouvelles générations d’avoir le droit de rêver.

 On a remarqué aussi que d’autres personnes qui auraient soutenu le président de la Ré­publique occupent les médias pour gagner en notoriété. Pour­quoi avez-vous décidé de rester dans l’ombre ?

Je ne fonctionne pas comme les autres. Ces gens dont vous faites allusion, je ne connais pas leurs motivations. J’exécute mes obligations sans regarder ce que font les autres. Ça n’aurait pas de sens. Je préfère rester dans l’ombre et faire mon travail correctement. Pour vivre heureux, vivons cacher comme le dit l’adage. Les gens me connaissent suffisamment sans que j’aie besoin de présence médiatique. J’ai mon style qui consiste à rester dans l’ombre en faisant bouger les choses discrètement.

On ne savait pas que vous étiez le financier de Macky Sall avant qu’il ne remporte la Présidentielle ?

(Catégorique). Je ne suis pas le financier de Macky Sall. C’est même prétentieux de dire que je suis son financier. Il a sollicité tous les Sénégalais pour l’aider à donner à ce pays une nouvelle direction. Nous avons tous répondu à son appel. Quand on s’engage dans un challenge, on doit mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour le réussir. C’est ce que nous avons fait. Entre Macky Sall et moi, ce n’est pas une relation financière. C’est le Sénégal qui nous intéresse. Vous me donnez trop de pouvoirs en soutenant que je suis le financier de Macky Sall. C’est notre leader politique que nous avons accompagné pour réussir un pari.

Vous menez une campagne électorale tambour battant avec vos propres moyens. Combien avez-vous investi dans cette campagne pour assurer la victoire à Macky Sall ?

Je ne peux pas le dire. Et puis, je ne comptabilise pas mes dépenses. Ce serait malveillant de dire que j’ai investi des millions dans la campagne présidentielle. Chacun a eu à s’acquitter de quelques obligations pour qu’on remporte l’élection. Effective­ment, nous avons fait des campagnes de proximité, multiplié les déplacements dans toute la zone. A Bakel par exemple, c’est le Pds ou la Ld qui était la première force politique du département. Aujourd’hui, l’Apr est en tête pratiquement dans toutes les localités de la zone. Voilà les choses qu’il faut consolider pour assurer d’autres victoires à notre leader. Pour moi, le reste est accessoire.

Jusqu’où êtes-vous prêt à aller avec le chef de l’Etat ?

Je vais le soutenir jusqu’au bout de sa vie politique. S’il a deux mandats, on ira avec lui jusqu’en 2022. S’il n’obtient pas un second mandat, on va s’arrêter en 2017. C’est lui notre leader, nous continuerons à le soutenir jusqu’au bout. Aujour­d’hui, les enjeux restent la consolidation et la massification du parti. Et nous y travaillerons sans relâche pour assurer le triomphe de Macky Sall.

Lequotidien.sn

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