Blaise Cendras, Au cœur du monde: Hymne à la Coiffure et au Boubou Africain

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boubou africainExtrait de  » Au cœur du monde « , poésies complètes 1924-1929, Editions Gallimard

Oh ces négresses que l’on rencontre dans les environs du village nègre chez les trafiquants qui aunent la percale de traite
Aucune femme au monde ne possède cette distinction cette noblesse cette démarche cette allure ce port cette élégance cette nonchalance ce raffinement cette propreté cette hygiène cette santé cet optimisme cette inconscience cette jeunesse ce goût

Ni l’aristocrate anglaise le matin à Hydepark
Ni l’Espagnole qui se promène le dimanche soir
Ni la belle Romaine du Pincio
Ni les plus belles paysannes de Hongrie ou d’Arménie
Ni la princesse russe raffinée qui passait autrefois en traîneau sur les quais de la Néva
Ni la Chinoise d’un bateau de fleurs
Ni les belles dactylos de New-York
Ni même la plus parisienne des Parisiennes
Fasse Dieu que durant toute ma vie ces quelques formes entrevues se baladent dans mon cerveau

Chaque mèche de leurs cheveux est une petite tresse de la même longueur ointe peinte lustrée
Sur le sommet de la tête elles portent un petit ornement de cuir ou d’ivoire qui est maintenu par des fils de soie colorés ou des chaînettes de perles vives
Cette coiffure représente des mois de travail et toute leur vie se passe à la faire et à la refaire
Des rangs de piécettes d’or percent le cartilage des oreilles
Certaines ont des incisions colorées dans le visage sous les yeux et dans le cou et toutes se maquillent avec un art prodigieux
Leurs mains sont recouvertes de bagues et de bracelets et toutes ont les ongles peints ainsi que la paume de la main
De lourds bracelets d’argent sonnent à leurs chevilles et les doigts de pieds sont bagués
Le talon est peint en bleu
Elles s’habillent de boubous de différentes longueurs qu’elles portent les uns par-dessus les autres il sont tous d’impression de couleur et de broderies variées elles arrivent à composer un ensemble inouï d’un goût très sûr où l’orangé le bleu l’or ou le blanc dominent
Elles portent aussi des ceintures et de lourds grigris
D’autres plusieurs turbans célestes
Leur bien le plus précieux est leur dentition impeccable et qu’elles astiquent comme on entretient les cuivres d’un yacht de luxe
Leur démarche tient également d’un fin voilier
Mais rien ne peut dire les proportions souples de leur corps ou exprimer la nonchalance réfléchie de leur allure

Posté   le 29 Dec 2006   par   doudou

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