France: Vol annulé après le tabassage d’un sans-papiers

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 Un membre de l’équipe du cinéaste Laurent Cantet va être poursuivi pour « entrave à la circulation d’un aéronef », après une nouvelle affaire d’expulsion musclée. Le vol d’Air France 796 Paris-Bamako, samedi, n’a pas eu lieu. Le commandant de bord a décidé de ne pas décoller après les « incidents » survenus lors de l’embarquement. Les éléments dont nous disposons émanent d’un groupe de passagers, dont l’équipe du cinéaste Laurent Cantet, auteur de Ressources humaines, finalement partis dimanche mais qui, outrés par ce qu’ils ont vécu, ont décidé de raconter les événements par écrit. Un témoignage diffusé depuis par RESF, dont Laurent Cantet est membre. L’affaire rappelle les mésaventures du vice-président (PCF) du Conseil régional de Rhône-Alpes, François Auguste, poursuivi pour « entrave à la circulation d’un aéronef ». Considéré comme « meneur » par la police dans l’affaire du Paris-Bamako, le directeur de production, Michel Dubois, pourrait devoir faire face aux mêmes poursuites. Les faits, pourtant, sont accablants pour les – autorités. Immobilisé, sanglé, étranglé.

Samedi, donc : « Quelques minutes avant la fermeture des portes, des cris retentissent au dernier rang de l’avion. Deux personnes tentent de contenir un homme d’une quarantaine d’années qui se débat violemment (il n’est pas menotté – NDLR). On croit d’abord à une bagarre entre passagers. Certains veulent les séparer, mais en sont vite dissuadés par les policiers, qui se font alors connaître. S’ensuit une scène d’une grande violence : l’un des policiers pratique un étranglement sur le passager, l’autre lui assène de grands coups de poing dans le ventre. Ses hurlements se transforment en plaintes rauques. Cette tentative de maîtrise dure dix bonnes minutes, peut-être plus, et suscite immédiatement un mouvement de protestation qui n’a aucun effet sur les violences en cours.

L’un des passagers filme la scène avec son téléphone, ce qui énerve un peu plus la responsable de l’opération, qui menace d’arrestation les personnes les plus proches et photographie les protestataires. Pour tenter de faire taire tout le monde, la policière explique que l’homme n’est pas un simple sans-papiers mais un repris de justice, soumis à la double peine… L’homme finit par être immobilisé et sanglé. Il perd connaissance, yeux révulsés, langue pendante, écume aux lèvres. Un mouvement de panique gagne les policiers. Ils prennent alors la décision de l’évacuer. »

Des passagers indignés

La police de l’Air et des Frontières monte à bord. Michel Dubois, présenté comme le coupable, est débarqué. Cela ne calme personne, comme le souligne le témoignage des passagers : « À bord, on nous demande vainement de nous rasseoir, de nous calmer, mais beaucoup exigent le retour de Michel Dubois. Un des policiers nous propose alors un marché : Michel pourrait réembarquer à condition que l’expulsé remonte, lui aussi, à bord… Cette proposition inacceptable est tout de suite contredite par un policier de la PAF, qui annonce la mise en garde à vue de Michel Dubois et réitère ses menaces à l’égard des passagers qui campent sur leurs positions. Le commandant de bord finit par faire une annonce, dans laquelle il fait état de « manoeuvres » d’un individu refusant d’être reconduit dans son pays d’origine, et de manifestations d’une minorité de passagers, pour expliquer l’annulation du vol. Nulle mention des violences dont nous avions été témoins ni de l’état de santé du passager, pourtant aperçu dans une ambulance stationnée au pied

de l’appareil, toujours inconscient et sous assistance respiratoire… »

Michel Dubois sera relâché, mais les passagers restent sur leur indignation. Ils mettent, en particulier, en cause l’inertie du commandant de bord qui n’est pas intervenu lors des violences. Bien que les attributions exactes de son ministère ne soient officialisées qu’avec un décret présenté en conseil des ministres ce mercredi, c’est vers Brice Hortefeux que l’Intérieur a renvoyé la gestion du vol Paris-Bamako.

Comparution fin juin

D’après les services du nouveau ministre de l’Immigration, le ressortissant malien de cinquante ans, « surexcité », relevant de deux interdictions du territoire, aurait ameuté les passagers, asséné un coup de tête aux policiers et mordu l’un d’eux. Il aurait été ensuite pris d’un malaise, même si un examen par un médecin aurait jugé alors son état compatible avec une garde à vue. Toutefois, à la demande du procureur, l’homme a été libéré dimanche soir. C’est donc libre qu’il devra comparaître, fin juin, pour « opposition à une mesure d’éloignement, refus d’embarquement et coups et blessures contre un policier ».

(L’Humanite 30/05/2007)

Posté   le 30 May 2007   par   biko

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