Entre Saint-Denis (Guidimakha djikké) et le Mali, une citoyenneté sur deux continents

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hommes-immigrationL’obligation qu’a l’association de s’investir dans les actions de la ville concernant l’intégration, les échanges entre les populations ainsi que la vie associative dionysienne ont multiplié les opportunités de contacts intercommunautaires, et ce dans les différentes sphères de la vie locale. Après avoir affirmé que les populations immigrées et leurs associations “contribuent à structurer le tissu social au sein des quartiers en animant une approche collective des réponses aux problèmes de société”, la convention atteste que djikké s’engage à mener des activités en direction des jeunes et des femmes. En effet, elle organise des cours d’alphabétisation en français et en pour les femmes maliennes de Saint-Denis, leur ménageant ainsi des espaces de socialisation. Elle a également mis en place un soutien scolaire auprès des enfants et des jeunes, en collaboration avec une association culturelle, l’Association pour la promotion de la langue et de la culture . La municipalité a appuyé ces différentes activités en mettant à sa disposition un local à la Bourse du travail.

Une relation de confiance

En aidant ses membres à s’insérer en France, l’association s’est imposée comme interlocutrice auprès des acteurs sociaux, des écoles et de certains services municipaux. Elle a notamment développé des médiations relatives aux questions scolaires et de santé. Une de ces réunions, organisée par une école, réunissait des parents maliens et des enseignants à la Bourse du travail, et portait sur la sensibilisation des parents à la scolarisation de leurs enfants. À l’initiative d’un centre de protection maternelle et infantile, l’association a aussi participé à des groupes d’échange entre des femmes maliennes et des équipes de la PMI, ou encore à des rencontres entre obstétriciens, sages-femmes et familles maliennes autour du suivi de la grossesse et de la contraception.

La collaboration avec la municipalité se réalise aussi autour de l’animation associative et culturelle. Ainsi, participe à des événements locaux tels que Africolor, festival annuel de musique où les femmes présentent des plats cuisinés maliens, ou encore à la fête de Saint-Denis, qui regroupe toutes les associations locales et où l’association tient un stand. Ces dernières activités lui permettent, conformément à la convention, de favoriser sa collaboration avec les communautés locales.

L’articulation de ses activités avec les diverses politiques de la municipalité a donc permis à l’association d’affirmer sa présence dans les domaines des relations internationales, de l’action sociale et de la culture. Sa reconnaissance en tant qu’association dionysienne a légitimé sa contribution aux divers dispositifs de démocratie participative mis en place, et favorisé sa participation aux prises de décisions concernant la population malienne locale. Ainsi, les membres de Guidimakha djikké se sont investis dans des réunions de quartier rassemblant des habitants, des associations, des élus locaux et des institutions municipales, certaines ayant eu lieu dans des foyers de travailleurs migrants.

L’histoire récente du foyer Pinel illustre la relation de confiance, basée sur le dialogue, que la coopération entre l’association et la municipalité a permis d’instaurer. Ce foyer, l’un des six installés sur le territoire de la commune, accueillait autour de sept cents résidents en majorité maliens dont certains membres de l’association. Il a fait l’objet d’un projet de réhabilitation. La municipalité est intervenue en faveur du relogement des résidents sur son territoire, en consultant ces derniers sur le mode de logement revendiqué et en associant Guidimakha djikké à la démarche. Elle a qui plus est milité en faveur d’une prise de parole des résidents dans les instances de décision liées au devenir du site. La réussite du projet est en partie due au dialogue et à la relation de confiance instaurés de longue date avec la communauté malienne, notamment par le biais de la coopération.

Les accords de coopération décentralisée entre la ville de Saint-Denis et Guidimakha djikké sont donc très singuliers. Reconnaissant l’association comme actrice du développement de sa région d’origine, la municipalité lui offre de plus la possibilité de valoriser ses actions auprès de la population et des autres associations de Seine-Saint-Denis. Elle accompagne aussi sa participation à la vie de la cité, en vertu d’un axe principal de la gestion municipale : la démocratie participative. Affirmant ne pas avoir de politique spécifique en direction des populations étrangères, jugée source de stigmatisation 5, la municipalité revendique une politique sociale adressée à l’ensemble de la population dionysienne. Mais on peut considérer ici que l’articulation de sa politique de relations internationales avec sa politique locale, à travers la coopération décentralisée, crée les conditions pour que la communauté malienne de Saint-Denis s’exprime en tant que citoyenne à partir de ses spécificités et de son souci premier, le développement de son pays d’origine.

Hommes et Migrations


Annotations

5. D. Gaxie, P. Laborier, M. de Lassalle, I. Obradovic et A.-F. Taiclet,
rapport final de l’enquête sur les politiques municipales d’intégration
des populations d’origine étrangère, DPM & CRPS, université de Paris I, 1998.

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