Djibril Tamsir Niane: l’intégration économique des noms de familles (soninké, bambara, malinké, socé, etc.)

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Le dynamisme des dioulas ou commerçants mandingues ne date pas d’aujourd’hui. Les navigateurs portugais premiers européens arrivés en Afrique par la mer ont été très étonnés de rencontrer des commerçants malinké aussi bien à l’embouchure de la Gambie, sur les côtes de Guinée et jusque dans le Golfe de Guinée à Accra. Ils en conclurent que tout l’intérieurde l’Ouest africain était peuplé par les mandingues. Il n’en était rien, c’est qu’en réalité ces derniers contrôlaient une bonne partie des marchés et animaient la vie économique de la sous-région.
Le commerce du sel, de l’or, de la cola et des tissus était devenu une sorte de monopole mandingue. Affidés et fournisseurs des cours royales, ils ont constitué les liens entre pays et entre peuples.
Au XXe siècle, les moyens de locomotion rapide que sont l’avion, les camions, le train et le bateau ont accru la mainmise mandingue sur le commerce ouest africain. Ils furent aussi les grands bénéficiaires de la paix coloniale. La savane et le sahel pacifiés leur serviront de tremplin vers d’autres espaces.

Au moment de l’accession des pays africains à l’indépendance, les mandingues avaient investi les nouvelles métropoles comme Dakar, Bamako, Abidjan, Conakry, Bobo Dioulasso. La balkanisation résultat de l’octroi de l’indépendance aux territoires composant l’Afrique Occidentale Française (l’A.O.F) fut durement ressenti par les commerçants.

Pendant que les Etats dressaient les barrières douanières et muselaient les populations, les commerçants eux, luttaient à leur manière contre les micro-états. On raconte l’histoire d’un commerçant malien à l’aéroport de Bamako. Devant se rendre à Abidjan, il tend son passeport à l’agent chargé des formalités de sortie.

  • – Votre passeport est périmé Monsieur s’entend-il dire.Sans se troubler, notre commerçant sort de sa valisette un autre passeport ivoirien dont la validité est incontestable. L’agent des douanes qui ne manque pas d’humour sourit.
  • – Il est bon celui-là, mais vous savez que vous n’avez droit qu’à un passeport.

L’histoire ne dit pas si ce sahélien, homme des grands espaces n’avait pas en secours un troisième passeport. L’anecdote est significative. Elle montre une chose : le caractère factice de nos frontières dont se moquent les commerçants nullement concernés par le nationalisme prôné par les Etats. Qui plus que le commerçant mesure la vanité de ces frontières.

Le commerçant malinké de Kankan en Guinée a un frère à Abidjan, un autre à Monrovia ; un cousin est installé à Accra… Un oncle peut être à Dakar. Cette division familiale du travail relève d’une technique commerciale plusieurs fois séculaire. Ce commerçant mandingue se sent chez lui en Côte d’Ivoire, au Mali, au Sénégal, au Burkina Fasso pour ne citer que ces pays. Ni par la langue ni par les us et coutumes il ne s’y sent étranger.

Le passé nous éclaire sur les formes d’intégration que le monde mandingue a connu. L’espace soudano-sahélien, pays ouvert explique en partie la tendance naturelle des populations à s’intégrer.
Mandingues, , Peuls, Songhoys, Wolofs, etc., participent de la même civilisation soudano-sahélienne qu’informent l’agriculture et le commerce. Les réalités inter-ethniques sont marquées du sceau de la convivialité à preuve le système de correspondance entre patronymes Peul, Malinké, , Wolof et autres ethnies :

Ndiaye – Diatta Condé
Diop -Traoré
Fall – Koulibaly ou Coulibaly

Bah – Sylla, etc.

Comme on sait, un NDIAYE venant en Casamance peut s’assimiler aux DIATTA ; au Mandingue il s’assimile aux Condé et peut prendre ce patronyme. De même un TRAORE du Mandingue peut au Sénégal prendre le nom de DIOP et s’assimiler à ce clan. DIALLO et BAH, en Guinée s’assimilent respectivement aux CAMARA et aux SYLLA. N’est-ce pas là une forme d’intégration des ethnies ?
Ces réalités socio-culturelles ont fondé un état d’esprit fait de tolérance. Ajoutez à cela la parenté à plaisanterie ou Sanakouya mandingue ; dès lors on comprend le caractère intégrationniste de la culture, car les deux traits que voilà sont partagés par les Mandingues et autres ethnies de la savane.

Notre histoire présente doit s’inscrire dans l’esprit du passé : l’aspiration profonde des populations est à l’intégration qui est inscrite dans les traditions culturelles même de la sous-région.

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